Télétravail : bataille de technologies entre des employeurs qui espionnent et des salariés qui simulent leur activité

Entré dans les mœurs professionnels avec les confinements, le télétravail a suscité l'émergence de logiciels de surveillance de l'activité à distance des salariés, encourageant certains d'entre eux à riposter avec des leurres numériques.
Article rédigé par franceinfo - Nicolas Arpagian
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Aux Etats-Unis, Amazon et Facebook ont indiqué qu'ils suivaient l’activation des badges de leurs employés pour s'assurer que ceux à qui on a demandé de retourner au bureau s'y présentaient bien régulièrement. (FERRANTRAITE / E+ / GETTY IMAGES)

Malgré l’annonce d’Amazon le 16 septembre dernier d’imposer le retour au bureau à plein temps à partir du 2 janvier 2025, le télétravail – popularisé pendant la période du Covid – fait de plus en plus partie des aspirations des salariés quand leur cadre de vie le permet. Mais cela peut contrarier certains managers qui s’inquiètent de cette distance alors qu’ils/elles apprécient de garder un œil sur leurs équipes. Et dans ce domaine, la confiance manifestement ne suffit pas toujours.

Une surveillance à portée de clic

On recense ainsi la multiplication de solutions techniques pour pister l'activité des collaborateurs. Et cette tendance est vraiment internationale. Ainsi aux Etats-Unis, Amazon et Facebook ont indiqué qu'ils suivaient l’activation des badges de leurs employés pour s'assurer que ceux à qui on a demandé de retourner au bureau s'y présentaient bien régulièrement. Tandis que le groupe bancaire JPMorgan Chase a élaboré un logiciel pour enregistrer le temps passé par ses salariés sur les appels en visioconférence, les courriels ou les feuilles de calcul.

Des éditeurs commercialisent des logiciels qui effectuent, par exemple, des captures d’écran pour documenter l’avancée du travail du collaborateur, mesurent la frappe des touches du clavier ou les mouvements de la souris, pour estimer si le salarié est actif. Certains vont même jusqu’à déclencher des photographies à partir de la webcam, pour s’assurer qu’il y a bien quelqu’un assis sur le fauteuil du bureau.

Des techniques pour faire illusion

Après quelques minutes de navigation sur Internet, on trouve des logiciels destinés à organiser la riposte des salariés. Tels ces produits qui proposent de simuler des mouvements de souris erratiques ou d’activer des touches de clavier de manière aléatoire.

C’est la compétition entre les solutions qui promettent de déceler les usages mécanisés, comme par exemple une souris qui se promènerait pendant de trop longues minutes sur une même page, ou toute autre pratique qui ne serait pas habituelle dans les usages d’un véritable être humain. Et ceux qui vous garantissent que leur module est indétectable car, par exemple, il active la souris à intervalles irréguliers et à différentes vitesses.

Le sujet n’est pas que théorique. Ainsi, juste avant l’été 2024, la banque Wells Fargo a licencié une dizaine d’employés de sa direction des investissements au motif qu’ils avaient déployé des simulateurs d’activité de claviers, pour donner l’illusion d’un travail acharné. La direction a assimilé cette pratique à un comportement contraire à l’éthique. Une preuve de déloyauté en quelque sorte.

Une supervision encadrée par la loi

En France, c’est essentiellement la Commission nationale de informatique et des libertés (CNIL) qui est compétente sur le sujet. Elle a d’ailleurs publié sur son site une liste des règles et bonnes pratiques pour organiser et encadrer le télétravail.

Les principes généraux sont simples :

  • Il faut une information préalable des salariés et des instances représentatives du personnel quant aux moyens techniques de contrôle mis en œuvre. Cela ne doit donc pas se faire à leur insu.
  • Ces moyens doivent être "proportionnés" à ce que l’on souhaite surveiller. En fonction de la mission, de la nature des activités… Pour ne pas verser dans un Big Brother du quotidien.

Soit un équilibre entre une supervision légitime et une démarche par trop intrusive.

Un sondage conduit en juillet 2023 par la plateforme Glassdoor auprès de 2300 professionnels montrait que 41% des répondants estimaient que ces programmes de surveillance les rendaient finalement moins productifs.

Rappelons ici, que le dialogue, la confiance et la responsabilisation des collaborateurs restent des moyens très humains et peu techniques pour s’assurer qu’employeurs et salariés travaillent en bonne intelligence.

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