Planète sport. Comment le président turc Erdogan utilise un club de football pour sa propagande
Aujourd'hui, le championnat national turc de football est dominé par un club peu habitué aux sommets : Başakşehir. Ce jeune club, en banlieue d'Istanbul, fait de l'ombre aux grands noms de football turc comme Galatasaray ou Fenerbahçe. Et il doit beaucoup au président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan.
Le sport peut déclencher des conflits ou favoriser des réconciliations. Il peut aussi, comme en Turquie, être exploité par des leaders politiques ou des mouvements d'opposition. "Contrôle du gauche, extérieur du droit… et but !" L’attaquant de Başakşehir ouvre le score pour son équipe en ce soir de juillet 2014. Soixante ans, le crâne légèrement dégarni, il s’appelle Recep Tayyip Erdogan.
Alors Premier ministre de Turquie, il sera élu président le mois suivant. Ce soir-là Başakşehir inaugure son nouveau stade. C’est un match-exhibition et Erdogan, ancien joueur de bon niveau, signe un triplé. Il se montre assez adroit, mais face à lui, la défense n’est pas particulièrement agressive.
Il faut dire qu’Erdogan est ici chez lui : Başakşehir vient d’être racheté par des sympathisants de son parti, l’AKP, notamment par son médecin personnel. Et le club est présidé par le mari de la nièce d’Erdogan.
Un club sans supporters
"Quand il y a eu la présentation officielle, on voyait déjà qu'il avait un certain poids, entouré par beaucoup de personnes", raconte l’attaquant français Jérémy Perbet a passé une saison à Başakşehir, en 2014. "La particularité aussi, c'est qu'on jouait devant 100 personnes", ajoute-t-il.
Des tribunes vides ? Rien d’étonnant. Başakşehir, en grande banlieue d’Istanbul, n’est pas un grand nom du football turc, dominé par les trois géants d’Istanbul, Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas. C’est un club jeune, sans passé, sans supporters mais avec de l’argent… De quoi s’offrir quelques stars, hier Adebayor ou Robinho, aujourd’hui le Français Gaël Clichy ou le Sénégalais Demba Ba. Et ça marche. Başakşehir est en tête du championnat à 3 journées de la fin et toujours en course en Ligue Europa.
Le football est un moyen de mobilisation social très fort
Dorothée Schmidà franceinfo
Dorothée Schmid, directrice du programme Turquie et Moyen-Orient à l’IFRI (Institut français des relations internationales), explique que "il y a une politisation très forte des clubs istanbuliotes. Pendant très longtemps Erdogan, grand fan du Fenerbahçe, était soupçonné par ses opposants de vouloir s'approprier le club, continue-t-elle. Promouvoir Başakşehir était l'alternative pour Erdogan et l'AKP."
Erdogan pourrait donc tirer profit des bons résultats de Başakşehir. Même si les supporters de football en Turquie sont surtout des urbains laïcs, rien à voir avec le profil islamo-conservateur des électeurs du président turc.
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