Profession : reporter. Derrière le masque des élections américaines
Couvrir une élection américaine est toujours un exercice particulier dans la vie d'un reporter. Mais ce scrutin-là était particulièrement atypique en raison du virus qui s'est invité dans la campagne. Claude Guibal de la Rédaction internationale de Radio France et Gaêle Joly de franceinfo, envoyées spéciales aux USA nous en parlent.
"Le soir d'Halloween, le monstre, c'était moi avec mon masque chirurgical" confie sans rire Gaële Joly. Alors que la reporter montait ses sujets dans sa chambre d'hôtel, elle décide de descendre dans un restaurant pour manger un bout. Entre les tables, les sorcières et autres déguisements hideux se retournent sur la journaliste masquée.
"Dans les meetings de Donald Trump, on est les uns sur les autres, sans masques, on se parle au plus près, quitte à se postillonner dessus. Qu'importe le chiffre des 240 000 morts dans le pays, on doit apprendre à vivre avec la pandémie et la dépasser."
Le respect ou non des consignes sanitaires est vite devenu un enjeu de campagne
Côté démocrate, tout est numérique et les visages sont masqués dans les quelques rassemblements. Côté républicain, on moque ces excès de prudence et en guise de provocation, on se sert la main. Claude Guibal de la rédaction internationale rappelle que cette coutume française n'est pas populaire aux États-Unis, décriée pour son caractère non hygiénique. Mais ici, le malin plaisir consiste à tendre la main et à parler au plus près des visages sans masques. Dans cette drôle de campagne, les reporters ont donc navigué entre ces deux excès.
Une autre difficulté est survenue : le temps long du résultat de l'élection
Aucun des envoyés spéciaux de Radio France, à l'entame de la nuit américaine, ne pensait basculer dans une spéciale qui allait durer près de 98 heures sur franceinfo. Avec autant de confusion, de contestation autour des dépouillements. La difficulté consistait à faire le tri des informations qui arrivaient de toutes parts, informations parfois contradictoires, à remonter aux sources, surveiller sans forcément reprendre ce que disaient les médias américains, et dans ce temps d'attente, proposer en direct un contenu qui illustre les incertitudes que vivait l'Amérique. Sans pour autant exagérer, verser dans le sensationnalisme, apprécier la juste mesure.
Et pour Claude Guibal qui avait pour cahier des charges de suivre les Démocrates, ne pas tomber dans le piège des analyses Pro-Biden. Rester sur le pur factuel.
À la fin de ce marathon politico-médiatique, Gaële Joly retient l'image d'une Amérique profondément divisée. C'est d'ailleurs l'objet de son dernier reportage sur place. Républicains contre Démocrates à Atlanta, insultes et gestes obscènes. Miliciens d'extrême-droite armés de semi-automatiques face aux militants Black Lives Matter tout aussi armés, la police et les journalistes en gilets pare-balles au milieu. Cette tension sous-jacente se retrouve aussi dans l'Amérique profonde.
Et au final, cette Amérique a choisi un homme consensuel
Sa mission, réconcilier ce qui peut l'être. "C'est un élément marquant", analyse Claude Guibal, qui a suivi les derniers jours de campagne et a observé sa posture pendant les 72 heures de confusion. "Une posture qui se présidentialisait au fil des discours." L'homme tranquille de Wilmington, accessible aux habitants du quartier, est apprécié de tous. Pour un homme politique, on appelle cela un fief. Et c'est ici, dans ce cocon, que l'homme ordinaire va se muer en président des États-Unis d'Amérique.
"Et le premier signal, souligne Claude Guibal, c'est l'apparition des forces de police qui peu à peu, quadrillent le quartier, bouclent des rues. Et l'arrivée des "Secret Services" confirme alors ce qui se dit sur les écrans. Joe Biden a gagné."
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