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Métier d'enseignant : réformer en temps et en heures

Vincent Peillon, le ministre de l'Education nationale, a donc suspendu la réforme du temps de travail des enseignants du second degré en fin de semaine dernière. Un temps de travail dont défini par des textes datant de 1950. Pourquoi sont-ils si difficiles à changer ? Explications...
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
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Ce
que reproche Vincent Peillon à ces décrets de 1950, après d'autres notamment à
droite, ce n'est pas le volume de travail qu'ils imposent mais le contenu
qu'ils recouvrent. Ils ne décrivent que le temps passé physiquement devant les
élèves. 15 heures hebdomadaires pour un professeur agrégé, 18 heures pour un
certifié. Ces horaires avaient été fixés pour mettre fin à une grande diversité
des pratiques dans les collèges et les lycées. Il y a des variantes, en
fonction du niveau d'enseignement – on en a beaucoup parlé récemment autour des
enseignants de classes préparatoires, t aussi en fonction du nombre d'élèves. Reste
qu'on considère que pour délivrer ces cours dans de bonnes conditions, un
enseignant travaillera en moyenne en moyenne 40 heures par semaine. C'est plus
que les 35 heures légales, mais si on considère que l'année scolaire dure 36
semaines, eh bien bon an mal an on arrive aux 35 heures.

Le temps qui n'est pas passé devant les
élèves est consacré à la préparation des cours, à la correction des copies...

Entre
autres mais rien de tout cela n'est explicite. En moyenne, selon une étude
menée par le ministère, les professeurs estiment effectuer
environ 8 heures de préparation de cours, 6 heures de correction, 2 heures de
documentation, et 4 heures entre travail avec d'autres enseignants, suivi,
dialogue avec les parents... Mais rien de tout cela n'est officiellement fixé. Le
fond du débat est donc là : que peut-on imposer à enseignant en plus de
ses heures d'enseignement – par exemple les réunions avec les autres
enseignants, les rencontres avec les parents, la réalisation de contenus
numériques, la préparation d'un voyage scolaire, l'organisation d'une sortie
culturelle, le tutorat individualisé, etc. Tout cela, quand les enseignants le
font, est noyé dans ce volant d'heures non affectées qui ne sont pas passées
devant les élèves. Résultat, certains le font et débordent largement notre
moyenne annualisée de 35 heures, d'autres ne le font pas, sans que l'on puisse
affirmer pour autant qu'ils ne font pas leur travail.

Il n'y a en somme aucun moyen de le leur
imposer...

Aucun.
Tout relève de la dynamique qui existe ou pas dans un établissement,
généralement du charisme du chef d'établissement, de sa capacité à convaincre
qu'on travaille mieux en travaillant autrement. Mais c'est extrêmement fragile
et on ne compte pas les exemples d'établissements où la vigueur des projets
pédagogiques a pâti ou profité d'un changement de chef d'établissement.

En outre ces textes mettent tout le monde
à la même enseigne...

Oui.
Aux quelques exceptions que j'ai mentionnées, on estime qu'un professeur de
mathématiques dans un lycée tranquille de centre ville, un professeur de
technologie dans un collège difficile ou encore un professeur d'Education
physique et sportive d'un lycée professionnel exercent, fondamentalement, le
même métier. A charge pour eux de s'organiser selon leurs besoins, c'est ce
qu'on appelle la liberté pédagogique.

Donc ce n'est pas tellement une réforme
du temps de travail qui fait débat, mais une réforme du contenu du métier.

Exactement.
En 1950, les relations avec les parents n'étaient pas un sujet. Aujourd'hui, on
considère qu'elles sont stratégiques. Comment introduire ce temps. En 1950, le
numérique n'existait pas. Comment prendre en compte aujourd'hui le temps que va
passer un enseignant à produire des contenus qu'il mutualisera ensuite ou bien
à gérer les échanges avec élèves et parents. En 1950 aussi, l'heure
d'enseignement était sans doute moins dévoreuse d'énergie dans bien des cas, le
rapport à la discipline étant à l'époque beaucoup plus ferme qu'aujourd'hui.
Bref le monde a changé, le métier aussi, mais pas sa définition. Raison pour
laquelle depuis des années les ministres successifs plaident pour un aggiornamento.

Vincent Peillon n'est pas le premier à se
casser les dents sur cette réforme...

Non.
Plusieurs exemples récents l'illustrent : Lionel Jospin en 1988 renonce à
réformer alors même que le PS et la FEN avaient passé un accord en ce sens
avant les élections. 1998, Claude Allègre envisage de passer à 19 heures pour
les certifiés : 15 heures d'enseignement devant les classes, donc trois
heures de moins, mais quatre heures d'activités pédagogiques qui auraient été
choisies par chaque enseignant. Mais pour que cela marche au lycée il faut
recruter. Il ne peut pas et envisage donc de diminuer le nombre d'heures de
cours. Levée de bouclier contre ce qu'on appelle le lycée " allégé ",
le " lycée light " ; il recule. 2004, la commission Thélot
propose une réforme, François Fillon l'enterre. 2006 Gilles de Robien remet le
couvert, mais l'élection de Nicolas Sarkozy sonne le glas de la tentative, ce
dernier promettant pendant la campagne de ne rien toucher.

Et les 60.000 créations de postes
promises, elles ne pouvaient pas servir, justement, à libérer des heures pour
des activités autres que l'enseignement, sans baisser les horaires ?

Si.
Mais pour cela il aurait fallu que cela soit préparé à l'avance. Or ces postes
ont été promis par François Hollande pendant la campagne sans aucune
contrepartie. Un péché originel dont il y a fort à parier qu'il poursuivra la
gauche jusqu'à la fin de la mandature.

 

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