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Astérix, "c'est un peu un emblème national, une certaine image de la France", estime Jean Viard

Le 40e album des aventures d'Astérix, "L'Iris blanc", est sorti le 26 octobre, chez Hachette, tiré à plus de cinq millions d'exemplaires. Un phénomène de société, une réussite hors norme. Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par franceinfo - Benjamin Fontaine
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Séance photos pour les auteurs de BD du tout nouvel album Astérix, "L'Iris blanc", sorti chez Hachette le 26 octobre 2023, le scénariste Fabrice Caro alias Fabcaro, à gauche, et le dessinateur Didier Conrad. (JOEL SAGET / AFP)

Cette semaine est sortie le 40e album des aventures d'Astérix, L'Iris blanc, tiré à plus de cinq millions d'exemplaires. C'est toujours un succès, un phénomène de société. Il faut dire que, d'après le président de la République Emmanuel Macron, les Français ont quelque chose en nous d'Astérix : "Ce peuple luthérien qui a vécu les transformations des dernières décennies, n'est pas exactement le Gaulois réfractaire au changement, mais, encore que..." C'était en août 2018, lors d'un discours au Danemark. Les propos avaient fait vivement réagir.

franceinfo : Dans les faits, Jean Viard, on est assez fiers, nous Français, d'Astérix, de ce qu'il représente, de cet esprit gaulois. Est-ce que d'ailleurs, l'esprit gaulois nous habite vraiment, selon vous ?

Jean Viard : En fait, c'est un double phénomène. Les inventeurs d'Astérix, en fait ce sont des immigrés, ce sont des étrangers, qui sont arrivés en France. C'est l'époque où a été créé Pilote, qui a été un lieu d'innovation extraordinaire en matière de bande dessinée en 1959, aux débuts du gaullisme. Au début du gaullisme politique, pas du gaullisme de la résistance. Et c'est tout ça qu'il y avait : la France, l'indépendance nationale, il y avait ces immigrés. Au fond ces immigrés, ils ont découvert le peuple premier, un peu comme si nous, on allait au Canada ou en Australie, et qu'on voyait les populations locales. Leur peuple premier, ça a été les Gaulois.

Et c'est cet imaginaire qu'il faut voir. Ils ont voulu aller vers le peuple premier de ce pays, et c'est évidemment le village gaulois. Et alors ce village gaulois, il est à la fois juste, historiquement, tous les événements historiques sont justes, sauf que Obélix et Astérix n'existaient pas, évidemment. Et en plus, ils ont mis dedans toujours, des personnages d'actualité, ce qui est encore le cas dans le dernier. Je crois qu'il y a deux anciens Premiers ministres. C'est-à-dire qu'en permanence, il y a un substrat. Là, le débat, c'est sur les végans, la nourriture, le maigrir, la pensée positive etc, qui se mélange avec l'Histoire, mais qui est généralement détourné.

Par exemple dans un Astérix, il y a Vercingétorix qui se rend à César et qui jette ses armes à ses pieds. Dans la bande dessinée, les armes, il les jette sur les pieds de César, il y a un petit décalage. Après, c'est une image de la France qui nous fait plaisir, parce qu'au fond, on résiste à tout, on est très fort, mais dans la vraie vie, c'est une image un peu passéiste. Faut quand même pas se cacher complètement que ce n'est pas la France qui envoie des fusées dans l'air, ce n'est pas la France créative et innovante.

Mais il y a aussi un côté un peu anti élites, résistant, c'est ça, ce que vous dites ?

Oui, c'est aussi parce que ça vient de cette époque. Pilote a été créé par des résistants, des cathos de gauche résistants. Donc, l'origine intellectuelle de ce monde-là, c'est ça, c'est la résistance, et c'est des cathos de gauche. Donc ce n'est pas une revue communiste. Il y avait aussi des revues communistes très importantes à l'époque, pour les enfants. Et au fond, il y a cette idée de résistance, c'est ça qui est porté à travers le temps, par cette série. Ce n'est pas qu'une série, en France, ils ont vendu 500 millions d'exemplaires, une série traduite en 117 langues.

Le problème, c'est que c'est un peu notre propre caricature, je dirais que ça a un peu remplacé le français "béret, baguette de pain", la caricature du français, avant et après guerre. Bon, ça a pris, mais en même temps, c'est une image de combat, et c'est une image joyeuse, parce que le village des Gaulois est festif.

Cet Astérix, vous l'avez dit, se moque quelque part de tout ce qui existe autour de la pensée positive. Ça a toujours été le cas dans Astérix, de rire de certaines tendances, de certains clichés. Ça, c'est important aussi dans une société, non ? 

Oui, mais c'est pour ça, c'est un livre qui est pensé dans le présent, ce n'est pas uniquement une histoire de Gaulois et de Romains. C'est aussi un livre sur les questions du quotidien d'aujourd'hui, sur le rapport à la nourriture, c'est ça qui en fait l'intérêt. Il y a plusieurs niveaux de lecture. C'est une série pour les adolescents et en même temps, c'est un lieu de réflexion, les adultes le lisent aussi.

On peut tous le lire, donc c'est devenu un peu un emblème national. Je mettrais peut-être Proust à côté, il y a effectivement Astérix et Obélix. Et puis on peut trouver d'autres éléments, mais surtout, considérons que c'est un des éléments d'un puzzle, mais ce n'est pas la France, c'est une certaine image de la France.

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