Comment sauver le quartier d'affaires de la Défense : selon Jean Viard, "il y a une opportunité à y déplacer l'appareil d'Etat"

Les tours du quartier d'affaires de la Défense à Paris se vident et les investisseurs ne se bousculent pas. L'effet Covid a fortement impacté les prix de vente des locaux commerciaux. Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par franceinfo - Benjamin Fontaine
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Temps de lecture : 4min
Quartier d'affaires de la Défense (Illustration) (PAULO AMORIM / MOMENT UNRELEASED RF/ GETTY IMAGES)

Selon une étude, les tours du quartier d'affaires de la Défense à Paris se vident, elles vieillissent et les investisseurs ne se bousculent pas. Le sociologue Jean Viard répond à Benjamin Fontaine. 

franceinfo : Est-ce que finalement ce n'est pas un "cycle naturel" ?

Jean Viard : Non, ce n'est pas un cycle naturel. La Défense, c'est vraiment la grande construction sur dalles qui représente la fin du XXe siècle, qui est la plus grande au monde. C'est un monument de l'architecture béton de la fin du XXe siècle. On peut en penser ce qu'on veut, mais c'est un monument historique qui doit, à mon avis, être regardé comme un monument. Après, ce qui est clair, c'est que c'est un lieu qui marchait bien, qu'il fallait moderniser, transformer.

C'est vrai que le Covid a complètement changé les données du problème. Le télétravail est venu changer profondément les pratiques des gens qui ont majoritairement en Île de France un ou deux jours de télétravail par semaine. Donc, les entreprises ont réduit leurs surfaces de biens loués et les réduisant, elles se sont dit : "si j'ai des surfaces plus petites pour le même prix, je peux avoir quelque chose de plus prestigieux". Et elles se sont précipitées dans le centre de Paris où il y a plein d'entreprises qui sont installées, Paris où il n’y a quasiment pas de bureaux disponibles.

À La Défense, on est autour de 20% de bureaux disponibles, un peu moins. Et dans toutes les grandes métropoles, les bureaux des périphéries sont souvent vides. Il y a de quoi faire à peu près 400.000 logements dans ces bureaux de périphérie.

Et donc il y a eu un effet Covid aussi à la Défense, finalement ?

C'est ça, c’est-à-dire que les gens de la Défense sont souvent allés dans le centre-ville parce que c'est plus prestigieux, avec des surfaces plus petites. Les gens de la périphérie sont un peu venus à la Défense, mais pas énormément. Et donc, les prix à la Défense se sont complètement effondrés, puisqu'en gros, avant le Covid, ça valait plus de 6 000 euros le mètre carré, et maintenant, ça vaut moins de 300 euros. C'est un effondrement énorme.       

Il y a donc besoin d'un projet pour la Défense, qui se cherche en ce moment de différents côtés. Aujourd'hui, dans les investissements bureaux d'Île de France : La Défense c'est 8%, contre 21% en 2019. Par contre, Paris c'est 43%. Ce qui veut dire qu'il y a des investisseurs qui veulent acheter des bureaux en centre-ville Paris, dans des quartiers prestigieux.

Pour revitaliser ce quartier de la Défense, à l'heure où l'on parle d'économies dans le budget de l'État, vous avez une proposition ?

Oui, comme le Premier ministre a dit qu'effectivement il voulait libérer un certain nombre de bâtiments de prestige dans Paris, il y a une opportunité. Faire de la Défense le grand quartier des ministères français, des offices, etc. Ce n'est pas toujours la peine d'avoir des bureaux, avec des dorures partout, qui font 100 m2. Et au fond, donner une profonde modernité à l'appareil d'Etat français.

Et en même temps, évidemment, libérer un patrimoine, le vendre dans Paris, d'une part, aux très grandes entreprises qui en recherchent, d'ouvrir aussi ses jardins : le jardin du ministère de l'agriculture, le jardin du Premier Ministre, ce sont des merveilles qui sont réservées à très peu de personnes. Et puis évidemment, faire dans un certain endroit des logements. Donc, il y a une opportunité à déplacer l'appareil d'Etat à la Défense et à libérer toute une partie du patrimoine des plus beaux arrondissements de Paris.

On se souvient que l'an dernier, l'Etat avait vendu plus de 600 biens immobiliers pour 280 millions d'euros. C'est de l'argent qu'on peut trouver assez facilement, finalement ?

Oui, puisqu'en ce moment, beaucoup d'entreprises cherchent des bureaux enfin, surtout les grandes entreprises qui ont les moyens. Et en plus c'est un moyen, après les Jeux Olympiques, où Paris a tellement été mis en valeur au niveau mondial, le fait d'ouvrir un parc immobilier de prestige, là où on a vu les Jeux Olympiques, c'est une façon de fixer des grandes entreprises françaises ou internationales. Et ça, c'est important parce que le prestige fait partie aussi de leur stratégie de localisation.

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