La saison des prix Nobel : pour Jean Viard, "Ça montre au fond que le travail de l'humanité pour chercher le bonheur et la beauté ne s'arrête jamais"

La saison des prix Nobel démarre dès demain, lundi 7 octobre, avec la remise du prix de médecine, puis ce sera la physique, la chimie, la littérature et le Prix Nobel de la paix, vendredi 11 octobre. Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par franceinfo - Benjamin Fontaine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
10 décembre 2012. Cérémonie de remise des prix Nobel à Stockholm. avec la remise du prix Nobel de médecine à Sir John B. Gurdon. (Illustration) (PASCAL LE SEGRETAIN / WIREIMAGE / GETTY IMAGES)

Les prix Nobel sont attribués à partir de demain, lundi 7 octobre, et pendant toute la semaine. C'est la médecine qui ouvre le bal. Puis ce sera la physique, la chimie, la littérature et le prix Nobel de la paix vendredi. Le sociologue Jean Viard répond à Benjamin Fontaine.

franceinfo : Au-delà du prestige, est-ce qu'il y a encore une influence du prix Nobel ?

Jean Viard : Je crois qu'il y a une influence très importante. Juste un exemple, l'entreprise dans laquelle je travaille a obtenu un prix Nobel pour son auteur, Gao Xingjian, en l'an 2000 pour La montagne de l'âme, et on avait vendu 10.000 exemplaires aux éditions de l'Aube. On en a vendu 300.000 après le prix Nobel. Donc sur le marché, ça a eu un effet absolument considérable.

Le prix Nobel, ça reste très prestigieux. À Stockholm, le roi et la reine reçoivent tous les prix Nobel et le prix Nobel de littérature ouvre le bal. C'est inscrit dans une histoire très longue de valeurs humanistes, puisque ce sont des prix remis à des gens au fond qui ont contribué à l'amélioration de la vie sur terre.

Le Prix Nobel de la paix est un très grand prix. Alors évidemment, les gens peuvent avoir le prix Nobel, et  puis la suite de leur vie n'est pas forcément exemplaire. Ce ne sont pas des petits saints non plus. Mais moi ça me fait penser aux saints du catholicisme, c’est-à-dire ces figures qu'on met en avant. Alors eux, c'était plutôt comment ils étaient morts, etc. C’étaient des figures symboliques de l'histoire catholique, mais au fond, c'est un peu la même chose. On constitue des héros, et là, on les renouvelle tous les ans.

Ce qui est extraordinaire dans le prix Nobel, c'est qu'on en produit tous les ans. Ça montre au fond que le travail de l'humanité pour chercher le bonheur et la beauté ne s'arrête jamais. Et ce chemin qui avance tout le temps, c'est magnifique.

Alors le plus attendu, c'est peut-être le Prix Nobel de la paix. Parmi les favoris cette année, il y a le secrétaire général des Nations Unies, l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens. L'ONU, qui a donc de bonnes chances, alors qu'au niveau international, elle a quand même perdu de son influence ?

Oui, on est dans une période où le système de l'après-guerre en 1945 n'est plus adapté tout à fait au monde moderne. On voit bien que des grands pays comme l'Inde par exemple, ou des grands pays d'Afrique n'ont pas un rôle important à l'ONU. Et puis, le blocage entre la Russie et les Etats-Unis fait que chacun a toujours ses protecteurs, donc c'est moins influent qu'avant. Même si, il y a plein de projets de l'ONU qui se réalisent sur l'alphabétisation, etc. Il faut faire attention, mais dans la grande scène politique, c'est vrai que ça n'a plus la même influence qu'avant.

On le voit encore en ce moment avec Israël ?

Absolument, mais en même temps, je dirais que les prix Nobel valorisent des personnalités. Est-ce qu'on va arriver un jour à réorganiser l'ONU ? Je ne sais pas. Ça fait longtemps qu'on en parle, et on est nombreux à le désirer. Mais en attendant, c'est vrai que le secrétaire général de l'ONU, qui est un homme qui se base sur des valeurs pour essayer d'obtenir la paix, comme on dit, il n'a pas de divisions. S'il avait un titre prestigieux, ça renforcerait son aura. Évidemment, ça peut être un atout pour la paix.

Est-ce que ce prix Nobel n'est pas à double tranchant parce qu'il a permis à certains, comme Aung San Suu Kyi par exemple, de prendre le pouvoir. Mais parfois, à trop mettre la lumière sur des personnalités, il conduit aussi certains gouvernements autoritaires à mettre la pression sur les médaillés. Je pense à Narges Mohammadi, qui est toujours emprisonnée en Iran à l'heure qu'il est ? 

Oui, bien sûr, mais je dis que si elle n'était pas le prix Nobel, elle serait peut-être plus vivante du tout. Donc en même temps, ça protège aussi. Aung San Suu Kyi, c'était un prix Nobel qui a aidé à ouvrir le régime dictatorial. Et puis effectivement, après il y a eu l'affaire des Rohingya, cette minorité qui a été chassée. Et là, elle était d'accord avec l'opinion publique qui voulait qu'ils partent. Donc nous, on n'a pas apprécié. Mais elle a accompli un travail énorme dans son pays, qui est depuis devenu une épouvantable dictature militaire.

Elle avait obtenu le prix Nobel pour la bataille qu'elle menait pour le retour de la démocratie de manière totalement pacifiste. Elle est restée enfermée chez elle pendant des années, avec un calme, avec des milliers, et des millions de partisans. Elle a fait œuvre démocratique. Après, on n'est pas forcément d'accord sur toutes ces valeurs. Et vous voyez ce qui se passe en Iran, je pense que cette jeune femme avec le prix Nobel, ça la protège quand même de ce régime particulièrement brutal avec les femmes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.