Le sens de Noël
Avec les différentes crises qui s'enchainent - Covid, guerre en Ukraine, inflation - la fête de Noël prend-elle un sens différent ? Le regard du sociologue Jean Viard.
Comment ne pas parler de Noël, aujourd'hui, avec Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS. Un Noël un peu particulier puisqu'après la Covid, c'est l'inflation qui s'invite à la table des fêtes.
franceinfo : Quel sens donne t-on finalement à Noël ? Est-ce qu'on peut encore dire que c'est une fête chrétienne?
Jean Viard : Noël est né dans le monde chrétien au IIIᵉ siècle, c'est extrêmement ancien. D'abord avec Saint-Nicolas, un évêque qui était le protecteur de la veuve, de l'enfant et des personnes fragiles, une sorte de super héros, père. Dans certains pays c'est encore Saint-Nicolas qui amène les cadeaux, début décembre. Et puis, petit à petit, le père protecteur s'est transformé en Père Noël tel qu'on le connaît aujourd'hui avec une évolution liée au fait qu'il est parti aux Etats-Unis avec les Hollandais. Là-bas, son costume a été redessiné et Coca-Cola lui a donné ses couleurs définitives, même s'il a toujours été rouge. Rouge, parce que c'est la couleur de l'amour et donc il est rouge depuis le IIIᵉ siècle. Ce n'est pas Coca-Cola qui a inventé le Père-Noël, mais c'est Coca-Cola qui lui a donné cet air gentil, ce bonhomme un peu rond avec la barbe, en redessinant le vêtement rouge. Donc le Père Noël est né dans le monde chrétien, mais ce n'est pas à proprement parler un personnage chrétien. Et c'est vrai que Noël est devenue moins une fête chrétienne qu'elle n'a été. C'est une fête mondiale. Le Père Noël, vous le trouvez partout, en Asie ou dans toutes les civilisations qui n'ont rien à voir avec le christianisme. Donc le Père Noël s'est mondialisé - peut être d'ailleurs en partie à cause de Coca-Cola - comme la fête des enfants, la fête des cadeaux, le moment où l'enfant est au centre de la famille. Voilà pourquoi, même dans nos sociétés, des tas de gens d'origine musulmane ou des personnes athées vont fêter Noël. Et d'ailleurs, dans les écoles, on fête massivement Noël, on fait des cadeaux. Il y a des débats quand on a une crèche dans une mairie, il n'y en a pas quand on fête le Père Noël dans une école. Donc il est bien considéré comme un personnage non religieux.
Cela explique-t-il que le vocabulaire lié aux racines religieuses de la fête a tendance à disparaître ? On dit souvent Joyeuses Fêtes à la place de Joyeux Noël.
Il y a deux choses. D'abord le fait que les pratiques religieuses dans ce pays ont beaucoup reculé ; il y a à peu près autant de musulmans qui vont à la mosquée que de catholiques qui vont à l'église. Ensuite, depuis 1980 et la cinquième semaine de congés payés, la majorité des gens ne travaille plus entre Noël et le jour de l'an ; on arrête souvent les entreprises. Et du coup, il y a deux fêtes, celle de la famille qui rassemble les générations autour des cadeaux, et celle du réveillon qui est un rendez-vous plus amoureux, plus érotique pour les adultes et plus amicale et sentimentales pour les ados. Donc on peut dire "joyeuses fêtes" au pluriel.
Cette année, on se retrouve davantage que pendant le Covid ?
Durant la crise sanitaire, on a moins pu se déplacer, mais on s'est beaucup téléphoné. Là, on se replie sur les proches, ceux qu'on aime le plus, les gens qui sont autour de chez nous. On se concentre sur le cœur de nos amours, et c'est une évolution assez sensible.
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