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"Une ville ne vit que quand elle est ouverte, qu'on peut la traverser et en sortir, un projet de ville très compliqué à Paris dans la période actuelle", selon Jean Viard

Qui choisit ce que doivent devenir nos villes ? Une consultation citoyenne s'achève aujourd'hui, ce dimanche 28 mai, en Ile de France pour définir l'avenir du périphérique parisien. Le regard du sociologue Jean Viard.
Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le boulevard périphérique un samedi à Paris. Une consultation citoyenne s'achève aujourd'hui, ce dimanche 28 mai, en Ile de France pour décider de ce que deviendra le périphérique parisien. Réponse de la Mairie de Paris en janvier 2024. (PHOTO BY DOUG OAKLEY / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Qui décide de l'avenir de nos villes ? Comment vont-elles s'organiser ? Une consultation citoyenne s'achève aujourd'hui, dimanche 28 mai, en Ile de France, pour définir l'avenir du périphérique parisien. Quelle en sera la vitesse maximale ? Qui aura le droit de circuler sur une voie réservée aux transports en commun, aux taxis, au covoiturage, etc ? A quels horaires cette voie devra-t-elle aussi être ouverte ? A la fin janvier 2024, c'est la mairie de Paris qui tranchera.

franceinfo : Jean Viard, est-ce que tout cela vous semble être une bonne méthode ? 

Jean Viard : Oui, moi je trouve que consulter les gens, c'est une bonne idée. Leur demander leur avis, ça ne veut pas dire que c'est exactement ça qu'on va faire. Parce que nous ne sommes pas tous spécialistes des problèmes de circulation, de fluidité, d'accidentologie, etc. Mais je pense que c'est une très bonne idée. Après, c'est normal que ce soit aux politiques de décider in fine de ce qui doit être fait, ça me semble normal. Après, on peut discuter de l'échelle ?  Effectivement, le périphérique appartient-t-il aux Parisiens ou est-il en fait une rupture entre Paris et l'Ile de France ?

On a là une métropole mondiale de 11 millions d'habitants qui est dispatchée, découpée avec des bouts riches, des bouts pauvres, des bouts où on circule bien, des bouts où on ne circule pas. Donc il y a un énorme problème de penser l'avenir du Grand Paris. Et puis après, on peut se dire : on fait quoi du périphérique ? Mais d'abord, qu'on ait un commun qui soit un projet, d'avoir une ville mondiale fantastique, et de lui donner de la cohérence économique et sociale. 

Donc qui doit choisir pour Paris ? On pourrait se poser la même question pour les autres grandes métropoles, mais est-ce que c'est la mairie, c'est la région ou même l'Etat ?

Forcément, tout le monde doit être consulté. Il faut dire une chose : c'est quoi une ville? L'homme n'est pas né dans la ville, les animaux ne sont pas nés dans des villes. Donc l'homme a inventé cet objet extraordinaire qui est la ville, où il y a une densité d'individus, de créateurs, d'enseignants, et on se télescope etc... Mais on ne rêve que d'en sortir, on ne rêve que d'en sortir le week-end, pendant les vacances, etc. Et puis on ne rêve que d'y revenir.

À Paris, il y a 2.000.000 d'habitants, mais il y en a trois ou quatre millions qui rentrent dans la ville tous les jours. Une ville ne vit que quand elle est ouverte, qu'on peut la traverser et en sortir. Et donc, ça pose le problème de son projet de ville, qui est très compliqué dans la période actuelle.

Et la question posée dans cette consultation qui s'achève aujourd'hui, c'est notamment celle de l'héritage des Jeux olympiques de l'été 2024 et des Jeux paralympiques. Parce que pendant ces Jeux, il va exister sur le périphérique, et même sur deux portions d'autoroutes des voies olympiques, pour véhiculer les secours, les athlètes, les officiels. Il y a besoin quand même après de repenser toutes ces rocades, ces périphériques autour de nos villes ?

C'est un excellent effet d'école, où on va faire grandeur nature, des essais qu'on n'oserait pas faire dans une vie normale. Donc là, c'est un cas particulier, c'est pendant l'été, donc une bonne partie des Parisiens ne seront pas là. Mais en même temps, on va utiliser autrement la ville. Je pense que ça va faire apprendre plein de choses aux techniciens. Ça va  leur ouvrir plein d'idées qu'ils n'ont jamais eues. Ça ne veut pas dire qu'il faudrait garder tout ce qu'on a fait, mais ça veut dire que comme on est en train de faire une ville, dans laquelle on développe le vélo, des transports non polluants, et dans laquelle, en même temps, il faut faire attention que la ville ne se ferme pas.

C'est pour ça que j'ai insisté sur le fait qu'il y a plus de gens qui rentrent, que de gens qui y habitent, il y a certainement une nouvelle façon d'habiter la ville. Et puis cette ville, on sait qu'il faut la verdir et la végétaliser pour qu'elle capte le carbone. On est, on pourrait dire, face à une répétition générale de ce que pourrait être une ville, gérée différemment. Et je trouve que ça, c'est très intéressant. 

Et l'idée n'est pas de réduire le nombre de personnes déplacées, mais de réduire le nombre de véhicules utilisés pour les déplacer, précise la mairie de Paris en vue de la transformation du périphérique. C'est un des enjeux majeurs de la transformation de nos villes et des transports ?  

C'est un des enjeux majeurs avec la question – parce que Paris est très bien structurée par le métro, les trams, etc, pour les gens qui sont dans la ville – la question est : comment fonctionnent ceux qui justement arrivent dans la ville ? C'était la même question que pour les Gilets jaunes : 60% des Français habitent dans des maisons avec jardin, à côté des villes, dans les petites villes, et donc, ils viennent dans la ville pour lui donner de la richesse, pour travailler, pour produire de la richesse. Comment ces gens font pour rentrer facilement dans la ville ? C'est ça qui est très compliqué.

Et c'est un sujet qui intéresse en tout cas les Parisiens et ceux qui habitent en Ile de France. Tous ceux qui sont invités à s'exprimer.  90% des 79 000 votants, lors d'une première consultation en 2021, s'étaient dits opposés à la suppression d'une voie du périphérique. On verra ce qu'il en sera des résultats de cette consultation. Bilan durant l'été avec les premiers choix, les premières orientations de la mairie de Paris.

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