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Si j'étais... Fabrice Lucchini

Karl Zéro s'est imaginé dans la peau du comédien Fabrice Lucchini.

Article rédigé par franceinfo - Karl Zéro
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Fabrice Lucchini à Bordeaux, en 2012. (MAXPPP)

Si j’étais Fabrice Luchini, en tant qu’acteur le plus coté de France, couronné par le Guinness Book pour le nombre de citations à la minute, mais surtout en tant qu’incarnation vivante de Thot, l’inventeur du langage, scribe des dieux de la mythologie égyptienne, j’aurais eu l’honneur que TF1 et France 2 me proposent une somme coquette pour bien vouloir coacher – horrible franglisme !– les deux candidats à l’élection présidentielle, en vue du débat de ce soir. "Le spectacle, m’ont dit les responsables du marketing des deux chaînes, se doit être au rendez-vous : les annonceurs publicitaires l’exigent… Il nous faut de la punchline, des phrases cultes, de la répartie, du nerf, des saillies, surtout pas de ventre mou, des idées simples, peu de chiffres, des instants forts, des envolées drôlatiques, de l’émotion, et pourquoi pas de la tendresse."

J’ai évidemment commencé par pousser des cris d’orfraie, me retranchant derrière le slogan à la mode : "Ni patrie, ni patron, ni Le Pen, ni Macron !" C’était afin de faire un peu monter les enchères… Après tout, les médias roulent sur l’or, et je ne suis pas leur domestique. Comme le disait sublimement Céline : "Quand on se fait honorer par les riches, on a l'air d'un larbin ; quand par c’est par les pauvres, on a tout du voleur." Tout est dit ! C’est grandiose ! Mon cachet étant passé de coquet à royal, j’ai consenti, de guerre lasse, à jouer leur larbin, et demandé à mon banquier de me prévenir dès que leur virement serait encaissé ?

A Macron, je dis : reste ce mystère

Ledit virement confirmé, si j’étais Fabrice Luchini, j’aurais commencé par me rendre au siège d’En Marche ! pour coacher ce M. Macron. Je n’ai pas été déçu. Emmanuel était comme à la télé : agité, magnétique, serrant fort ses deux poings pour démontrer sa volonté, puis rétrécissant ses pupilles en me fixant, façon hypnotiseur, puis soudain vexé, mutique et tout contrit, stupéfait de se voir contredit lorsque je lui dit mon sentiment sur ses piètres arguments…

Il m’a par exemple confié vouloir attaquer bille en tête Marine Le Pen sur la défense de nos libertés, à commencer par celle de la presse, puisqu’elle a interdit à des journalistes l’accès à son dernier meeting… Ce serait là folie et stupidité, Manu, lui ai-je dit. Prends Trump:  n’est ce pas en vomissant les journalistes qu’il a été élu ? Il a eu raison ! Tout le monde les déteste ! "Tu n'as jamais médit de ce monde stupide", lui ai-je dit, citant Musset, alors ne commence pas ! "Tu l'as vu, tel qu'il est, dans sa difformité ; et tu suçais toujours, plus jeune et plus aride, les mamelles d’airain de la Réalité." Alors continue, ne parle que de ce que tu connais ! Ne te mets pas à la place des Français, tu ne leur ressembleras jamais ! Tout en toi est étrange, reste le, et c’est ce mystère qui t’entoure qui t’ouvrira les portes du Château ! Il en est resté bouche bée…

Face à Le Pen, je m'exécute

Puis, si j’étais Fabrice Luchini, c’est chez Marine Le Pen que je m’en serais allé fureter. "La France apaisée" ne l’était guère, je la trouvais survoltée, et son accueil volcanique : "Foutez le camp, saltimbanque, je n’ai besoin de personne pour plier le candidat de la finance, je vais le défoncer !" me hurla-t-elle, avant de me lancer un bronze de Jeanne d’Arc à la tête. Holà, de grâce, tout doux la Pucelle ! lui fis-je…Commencez par présidentialiser votre discours, si vous voulez l’être un jour !

Radoucie, elle éclata de rire, et me sourit, presqu’enjôleuse, pour me demander : "Vous êtes pour le maintien de l’euro, vous ? J’en étais sûr ! Moi aussi, figurez-vous, depuis quelques jours ! Je sens que nous allons bien nous entendre… Je suis si stressée, vous savez, la campagne a été éreintante… Ce qu’il me faudrait pour me détendre avant le débat, plus que vos conseils, ce serait…" Elle acheva sa phrase à mon oreille, et bien que ce soit hors contrat… je m’exécutais. Mon temps déjà terminé ? Dommage… Enfin, sachez que depuis, j’ai des contacts dans des banques russes, avec des taux plus qu’attrayants !

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