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Le "sous-Smic" revient en force

Un salaire en dessous du Smic comme remède au chômage de masse. L'idée est ressortie par la voix du président du Medef. Pierre Gattaz a provoqué immédiatement un tollé chez les syndicats. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que le sujet est évoqué en l'espace de, seulement, quelques semaines.
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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Dans la série 'cassons les tabous', le patron des patrons
ne pouvait que faire sensation. Mais, effectivement, cette petite musique
devient lancinante, voire insistante. Il y a trois semaines, c'est Pascal Lamy
qui allumait la mèche sur France Info en déclarant peu ou prou la même chose.
Pascal Lamy, ancien Directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce,
chantre du libéralisme et très proche de François Hollande.

Hier, la sortie de Pierre Gattaz fut visiblement très
bien calculée alors qu'un déjeuner réunissait à l'Elysée François Hollande et
trois économistes. Pas n'importe lesquels : 3 économistes marqués à gauche
dont Philippe Aghion et Elie Cohen. Leur fait d'arme : avoir écrit, avec
leur confrère Gilbert Cette, un livre intitulé 'Changer de modèle' dans lequel
ils écrivent justement que le salaire minimum est un frein à l'embauche.

Peut-on en déduire que l'on est en train de remettre en
question le salaire minimum ?

On s'étonnera par exemple du mutisme du nouveau ministre
du Travail. Depuis hier, c'est silence radio chez François Rebsamen. Seule
Najat Vallaud-Belkacem a réagi au nom du gouvernement
, en tant que ministre de
la Jeunesse, pour rejeter l'idée du MEDEF. Sur le fond, que disent les partisans
du 'sous Smic', appelons-le ainsi ?

1/ Que le salaire minimum français est aujourd'hui un des
plus élevés d'Europe et qu'à ce titre il représente un frein à l'embauche
puisqu'il concerne d'abord les emplois peu qualifiés, population très touchée
par le chômage.

2/ Qu'en plus d'être un frein à l'embauche, c'est une
machine à fabriquer des travailleurs pauvres du fait des importantes
exonérations de charges qui l'accompagnent.

3/ Les chiffres parlent : une baisse de 1% du SMIC
permettrait de créer au moins 50.000 emplois.

Si on laisse de côté ces arguments, que penser des
risques que dénoncent les syndicats ?

Pierre Gattaz parle de Smic 'intermédiaire' !
Entendez : pourquoi se limiter aux seuls jeunes sans qualifications. Le patron
du Medef voudrait élargir le champ et permettre à celles et ceux qui ne
trouvent pas de travail d'entrer dans l'entreprise avec un salaire adapté de
façon... "transitoire". Autre terme important.

Donc, on va déjà plus loin que le seul
" petit-boulot-moins-bien-payé-mais-préférable-à-pas-de-boulot-du-tout ",
de Pascal Lamy. Aux syndicats de jouer leur rôle de garde-fous. D'autant qu'il
n'est pas obligatoire de parler tout de suite d'une baisse frontale du smic.

C'est à dire ? Y a-t-il d'autres solutions ?

Si on veut baisser la charge salariale qui pèse sur les
PME-PMI – les vraies créatrices d'emplois sans être les plus fortunées –, on
peut commencer par désindexer temporairement le salaire minimum de l'inflation.
Pendant un temps défini, les rémunérations ne suivraient plus la hausse des
prix.

On peut imaginer aussi des compensations : ok pour
la mesure, mais à condition d'embaucher en Contrat à Durée Indéterminée, avec
évolution salariale en fonction de la conjoncture.

Aujourd'hui, sauf l'Espagne, tous les pays européens ont
des régimes particuliers pour le travail des jeunes. Et l'expérience montre que
cela marche. La France doit-elle faire exception ? Ne peut-on pas tenter
des expérimentations dans des régions particulièrement frappées et observer, à
terme, l'impact  sur l'emploi ?
C'est cela le vrai débat. Mais certains s'y sont cassé les dents. Edouard
Balladur avec le CIP en 1994, Dominique de Villepin avec le CPE en 2006. A
l'époque, déjà préoccupant, le chômage était plus bas qu'aujourd'hui.

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