Moraliser le salaire des patrons grâce au ''Say on pay''
C'est un dossier encombrant de plus pour le gouvernement. Une décision ne peut jamais satisfaire tout le monde et sur cette question du salaire des patrons, le ministre de l'Economie doit assumer une nouvelle fois les conséquences du double discours qui consiste à ménager la chèvre et le chou. Qu'a dit Pierre Moscovici vendredi ? D'un côté, je maintiens la taxe à 75% sur les entreprises qui versent des salaires supérieurs à 1 millions d'euros mais j'abandonne l'idée d'encadrer la rémunération des dirigeants d'entreprises privées. Sauf excès, il n'y aura pas de loi. En tenant ce discours à double entrée, Bercy fait une double erreur.
Pourquoi une double erreur ?
A l'international d'abord. On voit naître chez les investisseurs potentiels, non pas de la défiance vis à vis de la France, mais de réelles interrogations à la fois sur les motivations du gouvernement et sur l'opportunité d'envoyer la matière grise dans l'hexagone. Installer un haut cadre ou un dirigeant à Paris c'est désormais, pour un grand groupe international, la certitude de devoir cracher au bassiner. Au lieu de taxer à 75%, n'aurait-il pas été plus judicieux d'instaurer un impôt progressif en fonction des revenus ? Une fiscalité supplémentaire, certes, mais moins radicale. La politique intérieure ensuite. Pierre Moscovici a dérouté jusque dans son propre camp donnant l'impression, non pas d'un nouveau couac, mais d'un réel malaise, un de plus. Une nouvelle brèche est ouverte, notamment avec les jeunes socialistes qui sont vent debout face à ce qu'ils considèrent comme une reculade.
N'est-il pas nécessaire d'apporter des clarifications ?
Faut-il contraindre le patronat à des règles strictes ou laisser faire l'autorégulation ? Naturellement, on voit mal comment cette dernière peut fonctionner. L'homme est ainsi fait qu'il y aura toujours des patrons peu scrupuleux aux appétits démesurées. Parmi les garde-fous il y a le principe du "Say on Pay" (c'est aux actionnaires de dire ce qu'ils pensent du salaire du patron). Publicis va le faire pour la première fois aujourd'hui en France lors de son assemblée générale. Le Président du Directoire Maurice LEVY avait défrayé la chronique avec ses 16 millions d'euros de salaire différé depuis 2003. Mais attention aux effets de claquettes : cet avis des actionnaires est pour l'instant purement consultatif. Ils disent ce qu'ils pensent mais au final c'est le conseil d'administration qui tranche sur avis du comité des rémunérations. Et puis qui dit que les actionnaires auront intérêt à brider le salaire d'un patron dont le rôle est justement de permettre à l'entreprise de faire des profits ? Au mieux, la mécanique permettra-t-elle de limiter les abus. Le système du ''say on pay'' fonctionne assez bien dans les pays anglo-saxons où il est déjà appliqué malgré un environnement économique beaucoup plus libéral que chez nous.
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