Paradis fiscaux, entre moralisation et normalisation
"Moralisation" est un bien grand mot. Ne faudrait-il pas plutôt parler de normalisation ? Jérôme Cahuzac semble avoir, à lui seul, plus de pouvoirs que tous les membres du G20 réunis ! On se souvient des grandes déclarations de Nicolas Sarkozy au lendemain de la réunion des dirigeants des 19 pays les plus riches de la planète plus l'Union européenne à Londres en 2009 : l'argent vagabond et les paradis fiscaux, c'est fini ! Certes, la pression a été mise sur certains pays comme la Suisse qui a ensuite conclu des accords sur l'échange d'informations avec la France et l'Allemagne, mais cela n'a fait que pousser les grosses fortunes à migrer vers d'autres places fortes, fiscalement protégées.
Des paradis qui existent encore au sein même de l'Europe
Le Luxembourg et l'Autriche font cavaliers seul sur un point : tous deux refusent toujours de communiquer aux autres pays membres l'identité des titulaires étrangers qui possèdent des comptes dans leurs banques. Hier, le Luxembourg a ouvert une porte vers plus de clarté mais pour y parvenir réellement, il lui faudra faire face à une forte opposition politique interne, notamment celle des jeunes libéraux. De son côté, l'Autriche a fait savoir qu'il était hors de question de bouger. Et puis ont peut penser aussi à Monaco, voire Londres, véritable plateforme de la finance internationale. On verra si François Hollande en parle ce soir avec le Premier ministre britannique David CAMERON qui vient le voir à l'Elysée.
Peut-on réellement mettre tout le monde d'accord ? *
Dire que l'Europe va se mettre d'équerre grâce à Jérôme Cahuzac pour lutter contre "la finance folle" – comme dirait le ministre Michel Sapin – est faux. Le vrai coup de semonce est probablement parti du grand casino chypriote : souvenez-vous du message maladroitement lancé par le Président de l'Eurogroupe : si un système bancaire dépasse la ligne jaune, ce sont les clients, les grands déposants, qui seront mis à contribution. Le Commissaire européens Oli Rehn l'a d'ailleurs – comme par hasard – rappelé ce week-end. L'Europe a effectivement tout son rôle à jouer dans cette aventure avec fermeté. Les Etats-Unis l'ont fait avec la loi Facta qui permet un échange d'informations automatique sur les capitaux placés par les ressortissants étrangers. Pourquoi ne pas s'en inspirer ? Dans tous les cas, attention au retour des formules faciles comme " le choc de moralité " que veut créer le Président de la République François Hollande. Dans l'état actuel de l'opinion, le poids des mots ne saurait remplacer le choc de l'action concrète et efficace. Il est révolu le temps des simples et douces déclarations d'intentions.
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