Éric Fassin sur l'élection de Donald Trump, l'hommage à Madeleine Riffaud, Jacques Tardi pour le dernier tome de "Nestor Burma", et "The Substance" au cinéma
Éric Fassin, sociologue spécialiste des questions de genre, sexuelles et raciales et de leur politisation, revient sur la réélection de Donald Trump. L'universitaire soutient que les sorties de Donald Trump, qualifiées habituellement de "débordements" lors de ses allocutions, plutôt que de décrédibiliser le candidat, répondent justement aux attentes de son électorat. "Le fait de tenir des discours sexistes, mais aussi racistes, et, bien sûr, des discours xénophobes, c'est une manière de faire campagne. Ce ne sont pas des dérapages, défend l’universitaire. Au fond, c'est pour ça que les gens votent pour Trump."
"Le vote Trump est un vote de ressentiment."
Éric Fassinfranceinfo
Mais le sociologue observe avant tout un "effondrement du vote démocrate". Alors que les discours sexistes, racistes et populistes de Trump ont permis de mobiliser ses électeurs, les discours de candidate démocrate Kamala Harris n’ont pas réussi à avoir cet effet. Le vote des femmes est l’un des symptômes de cette perte de vitesse du vote démocrate dans les urnes, ces dernières ayant été moins nombreuses à voter cette année que lors de la dernière campagne présidentielle de 2020. Et cela, malgré le fait que la candidate Kamala Harris ait "misé sur la question de l'avortement", qui n’est pas venue creuser pour autant un "gender gap [conséquent], c'est-à-dire un écart entre les sexes dans le vote, qui a été moindre par rapport à l'élection présidentielle précédente", explique Éric Fassin. Le sociologue mentionne par ailleurs l’importance d’"un vote masculiniste de femmes républicaines. Parce qu'au fond, les femmes blanches, en tant que sous-catégorie, ont voté pour Trump".
La question de l’abstention est en définitive la "clé de la défaite majeure des démocrates", considère le sociologue. Pour lui, une des solutions qui s’offrent aux démocrates serait un tournant vers une gauche plus radicale, à l’image du tournant vers une droite plus radicale et populiste pris par le parti républicain. "Un des enjeux, c'est de savoir si les démocrates devraient se positionner davantage à gauche. (…) Ce qui se passe aux États-Unis, c'est le rappel qu'on a oublié que des politiques d'égalité, ça devait être désirable et que c'était un objectif", affirme Éric Fassin.
Éric Fassin est également l’auteur du livre Misère de l’anti-intellectualisme (Idée-débat), paru en octobre 2024.
L'hommage à la résistance Madeleine Riffaud
Tout Public rend également hommage à la résistante et poétesse Madeleine Riffaud, décédée à l’âge de 100 ans. Jean-David Morvan, auteur de la bande dessinée "Madeleine résistante" (Dupuis), partage au micro de franceinfo son émotion après la disparition de cette figure féminine exceptionnelle.
Le dernier "Nestor Burma" de Jacques Tardi
Le nouveau tome, qui s'annonce aussi être le dernier de la saga "Nestor Burma" de Jacques Tardi, Du Rififi à Ménilmontant, raconte, à travers le personnage culte de Nestor Burma, l’horreur de la souffrance animale depuis les laboratoires où ont lieu les expérimentations, jusque dans les abattoirs. Le bédéiste Jacques Tardi explique d'où lui est venue l'idée de ce thème. "On a tous vu ces images monstrueuses de bœufs pendus, éventrés, gigotants, à peine étourdis. C'est absolument révoltant. On a aussi vu ces cages remplies de singes, de lapins, etc, dans des laboratoires. En plus de ça, je ne sais pas si ces expérimentations aboutissent vraiment à quoi que ce soit."
À côté de ça, Nestor Burma parcourt dans ce tome-ci le 20e arrondissement de Paris, là où habite le bédéiste. "Arpenter Paris, c'est un plaisir. À cela s'ajoute le fait que, habitant dans le 20ᵉ arrondissement, c'était bien pratique, je n'avais pas à traverser Paris pour aller faire mes repérages pour le reconstituer", confie l’auteur au micro de Tout Public.
Du Rififi à Ménilmontant (Casterman) de Jacques Tardi, disponible dès à présent en librairie.
The Substance : le gore féministe
Ce film, dont le point de départ a été l’expérience de la réalisatrice Coralie Fargeat elle-même et de "la manière d'habiter ce monde en tant que femme", interroge le rapport que les femmes, au travers des âges, entretiennent avec leur corps, mais aussi la "violence extrême" à laquelle ces corps sont confrontés, qui trouve, selon la réalisatrice, son expression dans le film d’horreur.
"Pour moi, le genre, c'est vraiment cette liberté de ne pas se prendre au sérieux, et une possibilité de pousser tous les curseurs sans avoir à se soucier ni du réalisme, ni parfois du bon goût, estime la réalisatrice. C'est ma vision personnelle du genre, et ce qui m'a fait l'aimer, c'est le fait qu’il flirte toujours avec le grotesque. Il y a comme ça toujours une sorte de surenchère et une ligne assez fine sur laquelle on navigue, comme un funambule. [Le cinéma de genre] permet d'explorer des choses qu'on ne vivrait pas dans notre vraie vie."
The Substance de Coralie Fargeat, à retrouver en salle depuis le mercredi 6 novembre 2024.
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