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Amnesty International dénonce les meurtres à grande échelle aux Philippines

L’ONG publie un rapport virulent sur la politique conduite par le président des Philippines, en Asie du Sud-Est. Elle dénonce l'impunité de la police dans la lutte contre la drogue.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le président philippin Rodrigo Duterte à Manille, le 22 février 2019 (NOEL CELIS / AFP)

Ce rapport s'intitule "They just kill". Ils tuent et c’est tout. Parce que c’est bien de cela dont il s’agit dans ce vaste archipel de plus de 100 millions d’habitants.   Depuis qu’il est arrivé au pouvoir il y a trois ans, le président philippin Rodrigo Duterte a donné carte blanche à la police dans la lutte contre la drogue. Résultat, selon Amnesty International, "une économie du meurtre à grande échelle" s’est mise en place. Les chiffres sont impressionnants : 6 600 homicides imputables à la police. Et ce n’est que la statistique officielle. Les défenseurs des droits de l’Homme avancent plutôt le chiffre de 20 000 victimes. Sans compter plus de 700 000 personnes jetées en prison.  

Viols et exécutions sans preuves

Interpellations sanglantes sans mandat judiciaire, fabrication de fausses preuves, viols en série, vols des biens des victimes, maquillage des scènes de crime... Le paysage décrit par Amnesty pour dénoncer les pratiques de la police philippine est terrifiant. Ce sont les familles les plus pauvres qui sont touchées. A chaque fois les forces de l’ordre affirment agir en état de légitime défense face à des trafiquants de drogue. Mais les témoignages de proches des victimes abondent pour contester les versions policières.  

Soutien de Trump

Et le président philippin assume. Rodrigo Duterte n’a pas d’état d’âme ; il justifie cette impunité par la lutte contre la drogue, sa priorité affichée. Et il justifie aussi les viols : pour lui, "il y aura des viols tant qu’il y aura des jolies femmes".  Il y a quelques jours, après la mort d’un enfant de 3 ans tué par la police lors d’un raid, l’un des proches du président, le sénateur de la Rosa, ancien chef des forces de l’ordre, s’est contenté de ce commentaire : "On ne vit pas dans un monde parfait, ce genre de merde peut arriver". La police, elle, banalise les homicides en les classant sous l’étiquette "Nanlaban". Ça veut dire "Il a combattu". Et puis voilà, classement sans suite.

Duterte se sent d’autant plus libre de ses mouvements qu’il est soutenu. A l’étranger, Donald Trump ne cache pas son appui sans réserve. A l’intérieur, aux Philippines, Duterte a récemment remporté haut la main le scrutin de mi-mandat : les électeurs apprécient son franc-parler et son image d’homme fort anticorruption. Du coup, le président a des projets : il veut rétablir la peine de mort et abaisser la majorité pénale de 15 à 12 ans.  

Retrait de la Cour pénale internationale

Amnesty réclame donc une enquête internationale. L’ONG interpelle d’abord le Conseil aux droits de l’homme des Nations Unies, en estimant que ces exactions relèvent de "crimes contre l’humanité". Plusieurs pays occidentaux, notamment l’Islande, ont déposé la même demande. L’ONU devrait examiner cette requête vendredi prochain.  Amnesty demande également à la CPI, la Cour pénale internationale, d’ouvrir une enquête approfondie. Mais Rodrigo Duterte s’en moque : il a retiré l’adhésion des Philippines à la CPI en mars dernier.

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