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Armes nucléaires : vers une reprise de l'escalade

Si en valeur absolue on ne compte pas davantage d'armes nucléaire, à l'heure de la modernisation des arsenaux, les budgets flambent.

Article rédigé par franceinfo, Eric Biegala
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un rapport de l'Ican donne une augmentation de 9%, en moyenne, des budgets militaires consacrés au nucléaire durant l'année écoulée. (ANTON PETRUS / MOMENT RF)

Les dépenses en armement nucléaire ont à nouveau augmenté en 2021, dénonce dans un nouveau rapport rendu public mardi 14 juin la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires. Lundi 13 juin, c'était l'Institut de Recherche international pour la Paix de Stockholm qui publiait son rapport annuel avec un même constat : les arsenaux et budgets nucléaires sont en train d'augmenter.

La baisse du nombre d'ogives est trompeuse

En valeur absolue, et selon le rapport annuel de l'institut Sipri (Stockholm International Peace research institute, il y avait moins d'ogives nucléaires dans les arsenaux de la planète début 2022 qu'un an plus tôt : précisément 12 705 têtes nucléaires cette année contre 13 080 en 2021. Mais cette baisse ne doit pas tromper ; elle est consécutive à la mise au rebus du stock d'armement issus des années de guerre froide, et que les deux plus importantes puissances nucléaires, Etats-Unis et Russie, s'étaient promis de réduire aux termes d'accords de désarmement qu'ils respectent encore. Quatre-cent ogives ont ainsi été retirées du service en 2021 mais il en reste tout de même beaucoup : 6 255 pour la Russie, championne du monde en la matière, 5 550 pour les Etats-Unis, auxquelles il faut encore ajouter 1 300 ogives détenues par (en ordre d'importance de leurs arsenaux) la Chine, la France, la Grande-Bretagne, le Pakistan, l'Inde, Israël ou la Corée du Nord.

Moins d'armes, donc, mais plus modernes. Le rapport de la Campagne Internationale pour l'Abolition des armes nucléaires (l'Ican qui a reçu le prix de Nobel de la Paix en 2017) donne une augmentation de 9%, en moyenne, des budgets militaires consacrés au nucléaire durant l'année écoulée et ce dans tous les pays possédant la bombe sauf la France qui, selon le décompte et les ajustement de l'Ican a dépensé 5,9 milliards de dollars en 2021 contre six milliards en 2020. Une enveloppe qui compte tout de même pour 10% du budget militaire et qui devrait d'ailleurs repartir à la hause. L'essentiel des crédits d'équipement nucléaire prévus par la Loi de programmation militaire 2019-2025 devraient être décaissés en 2022-2023. 

Des arsenaux modernisés 

Si en valeur absolue il n'y a pas davantage d'armes mais que les budgets flambent, c'est que l'heure est à la modernisation des arsenaux, à l'invention de nouveaux vecteurs pour lancer ces ogives : des missiles plus rapides - dont les fameuses armes hypersoniques, capable de voler à plus de Mach 5 - plus furtifs, plus dur à contrer en tout cas. L'heure est aussi, à nouveau, à la menace d'emploi de ces armes : Vladimir Poutine a été quasi  explicite au début de son offensive sur l'Ukraine, menaçant ceux "qui se mettraient sur le chemin de la Russie de conséquences sans commune mesures avec ce qu'ils avaient connu par le passé". Chaque semaine sur les télévisions russes, des soirées entières sont consacrées aux dommages que pourraient subir les Occidentaux attaqués par le feu nucléaire russe.

Le 1er mai le présentateur vedette de la chaine Rossiya 1 Dmitry Kisilev menaçait de détruire complètement la Grande-Bretagne grâce à une seule frappe nucléaire : celle de la nouvelle torpille nucléaire "Poséidon". L'arme, produite ces dernières années mais non encore en service serait nantie d'une bombe de deux mégatonnes : 130 fois la puissance de la bombe d'Hiroshima. Il n'existerait pas de contremesure pour le moment contre la torpille Poséidon. Mais la Russie ne dispose pas encore non plus du sous-marin capable de la lancer : il va falloir le construire... et cela va coûter cher. Très cher même. Un sous-marin nucléaire lanceur d'engin fait partie des équipements les plus onéreux qui soient : on compte ici en milliards de dollars. C'est à cela que servent d'ordinaire des budgets en augmentation constante.

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