Au Brésil, une vidéo de torture relance le débat sur le racisme
Les images diffusées sur les réseaux sociaux suscitent un haut-le-cœur et réactivent la polémique récurrente sur le racisme dans le pays.
Les images sont difficilement soutenables. On y voit un adolescent nu, le pantalon baissé aux chevilles. On lui a attaché les mains, et bâillonné la bouche. La scène se passe dans ce qui ressemble à l’arrière-salle, la réserve d’un magasin. Et deux hommes, invisibles à l’image, le fouettent littéralement comme un esclave, avec un câble électrique. L’adolescent crie, gémit, supplie. On entend les voix des deux hommes lui dire "de promettre de ne pas recommencer". La vidéo, filmée au téléphone portable, a été postée sur les réseaux sociaux, Whats App puis YouTube, où elle a déjà été vue plus de 300.000 fois.
Mardi 3 septembre au soir, les médias brésiliens s’en sont emparés pour éclaircir l’affaire et ils ont retrouvé la victime. L’adolescent est un métis de 17 ans, il vit dans les quartiers sud de la grande métropole de Sao Paulo. En fait, il avait essayé de voler quatre barres de chocolat dans un supermarché. Et il a donc été interpellé par deux vigiles, qui lui ont ensuite infligé cette séance qui rappelle vraiment la torture des esclaves. La scène, dont seule une partie a été filmée par l’un des gardes, durerait 40 minutes au total ! Et l’adolescent aurait été menacé de mort par ses tortionnaires.
Les vigiles mis à pied
Une enquête a été ouverte mais cela ne va pas clore le débat. Un inspecteur a été chargé de l’affaire. Il parle lui-même, je cite, de "scènes qui nous ramènent des siècles en arrière". La direction du supermarché est bien embarrassée. Elle a présenté des excuses et mis à pied les deux vigiles, qui appartiennent à un prestataire extérieur, une société de sécurité. Ils risquent de deux à dix ans de prison. Mais la controverse est là. Plusieurs avocats noirs et métis affirment que cet épisode n’est pas isolé. Qu’il est révélateur d’un climat qui renvoie au passé esclavagiste du Brésil. Et ils soulignent le sentiment d’impunité des vigiles, qui se sont sentis autorisés à filmer la scène.
Un lourd passé esclavagiste
Un diplomate français nous confiait récemment : "Je n’ai jamais vu d’endroit aussi raciste que le Brésil". Dans ce pays de 210 millions d’habitants, la violence est quotidienne : 65 000 homicides par an. Et ils concernent à 75% les noirs et les métis, alors qu’ils représentent à peine plus de 50% de la population. Dans 5 000 cas, il s’agit de surcroît d’homicides imputables aux forces de l’ordre. Ces derniers mois, plusieurs affaires du même genre ont déjà défrayé la chronique : un père de famille innocent abattu par erreur de 80 balles par la police, une femme tuée déjà dans un supermarché, etc.
Le Brésil, il faut le rappeler, a été le dernier grand pays au monde à abolir l’esclavage en 1888. Et l’actuel président d’extrême-droite fait ressurgir les vieux démons. Bolsonaro a déjà affirmé par exemple que voir l’un de ses fils tomber amoureux d’une noire relevait de l’impossible. Ou qu’une communauté descendant des esclaves ne servait à rien, "même pas à se reproduire".
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