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Cinq après Charlie Hebdo, il ne fait pas bon critiquer la religion dans le sous-continent indien

En Inde, au Pakistan, au Bangladesh, la situation se dégrade pour les dessinateurs, journalistes, bloggeurs qui osent défier la religion ou la caricaturer.


Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une activiste d'Amnesty International manifeste à Berlin pour la libération de Raif Badawi.  (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

C’est sans doute en effet dans le sous-continent indien que la situation s’est le plus dégradée depuis cinq ans. Les journalistes, les bloggeurs, les dessinateurs y sont régulièrement victimes de l’extrémisme religieux. C’est l’un des faits majeurs relevés mardi 7 janvier par un rapport de Reporters sans frontières avec l’ONU. Commençons par l’Inde et son 1,3 milliard d’habitants. La poussée du nationalisme hindouiste y est flagrante. Elle est attisée par le pouvoir du premier ministre Narendra Modi. La situation dans le pays est très tendue depuis un mois : les manifestations sont quasi quotidiennes contre la nouvelle loi sur la citoyenneté qui interdit la naturalisation aux immigrés musulmans. Et il ne fait pas bon y critiquer l’hindouisme. L’an dernier, une journaliste du quotidien The Hindu a été poursuivie en justice et harcelée sur Internet pour une caricature sur les dieux de l’hindouisme.  Et il y a deux ans, pour des raisons similaires, un rédacteur en chef avait été tué par balles, probablement victime des extrémistes hindous.  

Torturé par la police pour propos diffamatoires contre le prophète

C’est encore pire dans les deux pays voisins, le Bangladesh et le Pakistan : là, c’est l’Islam qu’on ne peut pas critiquer. Au Bangladesh, 170 millions d’habitants, au moins six bloggeurs ont été assassinés depuis cinq ans, pour avoir revendiqué leur athéisme. Citons littéralement tué à coups de machette par des extrémistes. Ou Nazzim Udin Samad, tué par balles. A chaque fois, les assassins ont disparu dans la nature, et les enquêtes policières ont abouti à une impasse. Le pouvoir est d’ailleurs lui-même engagé dans la répression. Limon Fakir, une figure de la Toile, très engagé contre le fondamentalisme musulman, a été torturé par la police, inculpé de "propos diffamatoires envers le prophète". Et il risque 14 ans de prison. Au Pakistan, 200 millions d’habitants, ce n’est pas mieux. Le blasphème y est passible de la peine de mort. Il y a deux ans, après un débat public sur la religion, un étudiant en journalisme, Marshal Khan, y a été battu à mort par des groupes radicaux, qui l’ont poursuivi jusque dans sa chambre universitaire. Donc dans tout le sous-continent indien, l’évolution est très inquiétante, pour la liberté de la presse en général, et pour le droit à critiquer la religion en particulier.  

Le blogueur saoudien Raif Badawi est toujours en prison

Plus globalement, dans le monde, cinq ans après Charlie, l’évolution a été plutôt positive en Europe : plusieurs pays ont reconnu ce droit, la Norvège, l’Irlande, Malte, la Grèce. Mais ailleurs, ça a plutôt tendance à se détériorer. Le blasphème est passible de poursuites dans 69 pays. La situation s’est même dégradée à Brunei en Asie, ou en Mauritanie en Afrique, avec de nouvelles lois qui renforcent la répression. Citons encore l’Afghanistan, la Somalie, l’Arabie Saoudite, où les châtiments corporels sont de rigueur en cas de blasphème. Et où le bloggeur Raif Badawi est toujours en prison. Enfin il ya l’Egypte, où les bloggeurs sont également poursuivis et menacés d’emprisonnement pour le seul fait de défendre l’athéisme.    

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