Covid-19 : en Slovaquie, le Premier ministre fait les frais de ses accointances avec le vaccin russe
Igor Matovič vient d'annoncer son intention de démissionner, emporté par une vive controverse autour de l'achat de doses de Spoutnik V.
C'est sans doute la première victime politique importante de ces controverses en série sur les vaccins contre le Covid-19 dans de nombreux pays. Igor Matovič, le Premier ministre slovaque, a provoqué une levée de boucliers début mars, en décidant unilatéralement, sans consulter personne, de passer commande de deux millions de doses du vaccin russe Spoutnik V, dont 200 000 immédiatement importées. Il est allé jusqu'à les réceptionner lui-même sur le tarmac de l'aéroport, à Kosice, la deuxième ville du pays, un peu à la manière de son voisin hongrois, le très controversé Viktor Orban.
Le vaccin Spoutnik V n'est toujours pas autorisé par l'Agence européenne du médicament, et la Slovaquie fait partie de l'Union Européenne. Dans ce petit pays de cinq millions d'habitants, au cœur de l'ex Europe de l'Est, cette histoire est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase parce que la gestion de la pandémie par Igor Matovič, en particulier depuis la deuxième vague à l'automne, est chaotique et incohérente. Avec presque 10 000 morts, la Slovaquie affiche l'un des pires bilans au monde quand on rapporte cette mortalité à la population. Le taux de contamination est très élevé. Résultat : 80% des Slovaques réclamaient la démission d'Igor Matovic.
Deux millions de doses sans autorisation
Mais le Premier ministre n'a qu'à moitié démissionné. C'est même assez lunaire comme situation. En quelques jours, six de ses ministres ont claqué la porte du gouvernement, dont plusieurs poids lourds : les ministres de l'Éducation, de la Santé et des Affaires étrangères. Tous pro-européens, tous irrités par cette importation de Spoutnik V qui ressemble à une allégeance à la Russie.
Dimanche 28 mars, Igor Matovič s'est donc enfin décidé à jeter l'éponge mais pas totalement. Il a utilisé une formulation alambiquée, où il a évoqué les fêtes de Pâques, "symbole de sacrifice", pour ajouter ensuite "qu'il était prêt à faire un geste envers les personnes qui demandent sa démission." Il a proposé de quitter son poste, à condition de l'échanger avec l'actuel ministre des finances, membre du même parti que lui. Un tour de passe-passe qui laisse songeur.
Olano, un parti anticorruption aux idées floues
Il faut dire que le parti d'Igor Matovič est un parti curieux, apparu de toutes pièces il y a un peu plus d'un an. Olano (c'est le nom de ce parti), un sigle, un acronyme, pour "parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes". Olano est arrivé en tête des législatives avec 25% des voix l'an dernier. Il avait fait campagne sur une idée simple : le dégagisme et la lutte contre la corruption, omniprésente dans le pays. Sur ce plan, Igor Matovič présente d'ailleurs un bilan plutôt positif : des dizaines de magistrats et de policiers soupçonnés de corruption ont été arrêtés. Et le grand chef mafieux du pays, Marian Kocner, a été traduit en justice, notamment pour avoir commandité l'assassinat d'un journaliste, Jan Kuciak.
Mais pour le reste, les idées d'Igor Matovič, plutôt classé au centre droit, demeurent floues. Cet ancien importateur de vodka devenu patron de presse est plus à l'aise pour poser sur Facebook que pour développer un programme politique. L'affaire du vaccin russe est donc sans doute l'incohérence de trop.
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