Élections au Pakistan : le nom du futur Premier ministre dépend avant tout du choix des militaires

128 millions d’électeurs pakistanais sont appelés à choisir un nouveau Premier ministre, jeudi. Dans ce pays, il est impossible de gouverner sans les généraux, un atout qui manque à Imran Khan, le candidat du Mouvement du Pakistan pour la Justice.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
À Peshawar, des militants du Mouvement du Pakistan pour la Justice (PTI) demandent la libération de leur candidat Imran Khan, le 28 janvier 2024, au Pakistan. (ABDUL MAJEED / AFP)

Quatre candidats ont animé la campagne des élections législatives pakistanaises qui se dérouleront le jeudi 8 février. Tout d'abord les deux frères Sharif sont candidats. L’aîné Nawaz et son cadet Shehbaz, actuel chef du gouvernement. Ensuite Bilawal Bhutto Zardari, le fils de l’ancienne Première ministre assassinée en 2007, est également candidat. Le quatrième est Imran Khan, considéré comme l’homme politique le plus populaire du Pakistan, mais à qui il manque un atout essentiel : l’armée.

Pendant cette campagne, il a semblé assez clair qu'Imran Khan, l’ancienne star du cricket, fondateur du Mouvement du Pakistan pour la Justice (PTI) n’était pas le bienvenu. Un tribunal a même interdit aux médias de prononcer son nom début décembre. Imran Khan est en détention depuis le mois d’août et vient d’écoper de deux condamnations supplémentaires : 14 ans pour corruption et 10 ans pour avoir divulgué un document classifié. C'est la suite de la crise politique de 2022, lorsqu’Imran Khan avait été destitué de son poste de Premier ministre, après un désaccord violent avec l’armée concernant la nomination du nouveau chef des renseignements pakistanais.

Les militaires accusés d’avoir invalidé 90% des candidatures du PTI

En 2022, les militaires avaient perdu quelques plumes à cause d'un document classifié qu’Imran Khan avait rendu public. Cette note diplomatique prouvait l’implication, en coulisse, des généraux et du gouvernement américain pour écourter son mandat. Une manœuvre de trop pour la population pakistanaise. Cette révélation avait obligé le chef d’état-major de l’époque, Qamar Bajwa, à assumer le rôle de l’armée dans l’instabilité politique du pays. "La principale raison c’est l’ingérence de l’armée dans les affaires politiques depuis 70 ans. C’est pourquoi, après une grande concertation, l’armée a décidé qu’elle n’interviendrait plus sur les sujets politiques. Je vous assure que c'est une décision ferme et nous nous y tiendrons", déclarait-il en novembre 2022. Une décision radicale à laquelle tout le monde a cru à l’époque.

Imran Khan, depuis sa prison, ne lâche rien et continue de s’en prendre aux militaires. Il les accuse d’arrestations arbitraires de ses partisans et d’avoir fait invalider 90% des candidatures du PTI pour ces législatives. Mais d’autres enjeux poussent aussi l’armée à vouloir garder la main. Le Pakistan est touché par la crise économique, le pays a d’ailleurs sollicité l’aide du FMI pour se maintenir à flot. Les militaires sont directement concernés car ils sont implantés à tous les étages de l’économie du pays. De la même manière, ils règnent sur le domaine des affaires étrangères, une position stratégique pour développer leurs relations avec la Chine. L’armée pakistanaise n’a pas l’intention de renoncer à son confort, ni à ses habitudes : celles de contrôler le pays avec, à ses côtés, un Premier ministre docile.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.