En Inde, de nombreuses villes renommées pour gommer les anciennes présences impérialistes
Tous les jours, dans "Un monde d’avance", un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée sous les radars. Aujourd’hui, direction l'Inde, où une vingtaine de villes ont été renommées afin de coller au "roman national hindou".
En Inde, 25 villes ont été renommées cette année. C'est ainsi qu'Allahabad, l'une des plus anciennes villes du pays, dans le sud de l'Uttar Pradesh, est devenue Prayagraj... Tout simplement parce qu'aux yeux du moine fondamentaliste qui dirige ce gigantesque État de 200 millions d'habitants, Allahabad - aux consonances très islamiques - était une trace un peu trop visible de la conquête musulmane du 16è siècle. La ville a donc retrouvé le nom hindou qu'elle portait il y a 500 ans, qui signifie en sanscrit "lieu de sacrifice".
La décision a fait hurler l'opposition, qui dénonce une instrumentalisation de l'Histoire, un message très négatif adressé à la minorité musulmane. Mais elle est dans la droite ligne des nationalistes hindous qui sont aux commandes depuis quatre ans. Le très autoritaire Premier ministre Narendra Modi ne cache pas ses objectifs : il veut "se reconnecter" avec "le passé glorieux de l'Inde", ce qui passe - entre autres - par un effacement de l’héritage islamique. Son parti envisage également de changer le nom d’Agra, la ville qui abrite le célébrissime monument du Taj Mahal.
Roman national hindou
C'est vrai qu'en Inde, le fait de changer le nom des villes n'est pas nouveau. Depuis l'indépendance, une centaine de noms ont été corrigés, en réaction aux anciennes présences impérialistes. C'est comme ça qu'en 1995, Bombay est devenu Mumbai. Bangalore, Bengaluru... Calcutta, Kolkata... Mais à l'approche des élections générales qui ont lieu dans six mois, on observe une amplification de la réécriture du roman national hindou. Il y a 15 jours, les autorités ont ainsi inauguré une statue géante, la plus grande du monde, deux fois la statue de la liberté, en hommage à l'une des figures de l'indépendance.
Au-delà des symboles, le parti nationaliste hindou est d'ailleurs régulièrement accusé de s'en prendre à la minorité musulmane. Une minorité de 180 millions de personnes, soit 14% de la population, qui se retrouve régulièrement dans le viseur des autorités et de la population. Depuis l’accession au pouvoir du BJP, la laïcité à l’indienne est progressivement remise en question et l’intolérance grandit. Les musulmans ont de plus en plus de mal à être représentés dans la sphère publique et politique. Eux disent vivre dans un climat de haine et de persécution. Plusieurs faits divers sanglants ont émaillé l’actualité ces derniers mois et le silence du gouvernement est chaque fois vu comme une forme d’encouragement tacite par les extrémistes hindous.
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