Équateur : le président profite de l'état d'urgence pour régler ses comptes et forcer les portes de l'ambassade mexicaine

Les autorités équatoriennes ont pénétré, ce week-end, dans l'enceinte de l'ambassade mexicaine pour interpeller un ancien vice-président équatorien, déjà condamné en 2017 pour corruption.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une voiture de police équatorienne devant l'ambassade du Mexique à Quito, le 8 avril 2024. (LIAO SIWEI / XINHUA)

Cette opération de police rare et contraire au droit international a provoqué la rupture des relations diplomatiques entre l'Équateur et le Mexique. Elle visait à arrêter, Jorge Glas, vice-président du pays, de 2013 à 2017, déjà condamné pour corruption en 2017 et qui était visé par un mandat d'arrêt, pour corruption présumée, dès sa sortie de prison en novembre 2023.

Jorge Glas a alors tenté d'y échapper en obtenant, vendredi 5 avril 2024, l'asile politique à l'ambassade du Mexique de Quito. Quelques heures plus tard, il a été exfiltré, manu militari, et les autorités équatoriennes n'ont visiblement épargné personne, comme en témoigne la réaction du chef de la mission diplomatique mexicaine. "Tout cela est contraire au droit international, c'est très grave ! Ils m'ont frappé", a-t-il déclaré, agenouillé devant l'ambassade et traqué par les caméras de télévision.

La violation d'une ambassade est un acte extrêmement rare et ce qui l'est encore plus, c'est qu'elle soit commise par les forces représentantes de l'État accréditaire, en l'occurrence, la police équatorienne. Le dernier cas d'invasion d'une ambassade remonte à 2011, lorsque des manifestants iraniens s'étaient introduits dans les locaux de l'ambassade de Grande-Bretagne, à Téhéran. Il est cependant difficile de retrouver dans l'Histoire, la trace d'une violation de ce type. Le porte-parole de l'ONU s'est d'ailleurs "alarmé" de ce raid équatorien contre l'ambassade mexicaine et l'Union européenne et de nombreux états latino-américains l'ont immédiatement condamné.

Un abus de pouvoir pour plusieurs pays d'Amérique du Sud

Les gouvernements de gauche du Brésil, du Venezuela, du Chili ou encore de la Bolivie, voient dans cette méthode un abus de pouvoir et un règlement de compte politique. Il faut rappeler que le gouvernement de Daniel Noboa a décrété l'état d'urgence et déclaré l'Équateur en situation de conflit interne pour lutter contre les gangs de narcotrafiquants.

Ce coup de force prouve que la droite équatorienne est en train de déraper et ça, c'est Rafael Correa, réfugié politique en Belgique, qui a travaillé avec Jorge Glas, qui l'affirme. "C'est évident que cette situation de 'conflit interne' a été mise à profit pour régler d'autres dossiers. Aucun narcotrafiquant, aucun chef de mafia n'est en prison, c'est une pure fiction ! La droite a toujours fait ça. Elle crée de la peur pour faire peur aux gens, pour qu'ils ne pensent plus et elle peut les manipuler. Violer une ambassade étrangère, c'est comme envahir un pays. C'est un casus belli, un motif de guerre."

Rafael Correa va un peu loin, puisque la Convention de Vienne ne reconnaît pas la violation d'une ambassade comme un motif de guerre. Évidemment, elle l'interdit et exige "réparation", vis-à-vis de l'État agressé. Le Mexique a décidé de saisir la Cour internationale de Justice et tout indique que l'Équateur de Noboa, en état d'urgence, s'éloigne chaque jour un peu plus des règles imposées par le droit international.

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