Europe : discorde entre la France et l'Allemagne sur les stratégies militaires envisagées autour de la guerre en Ukraine

La relation franco-allemande, moteur de la dynamique européenne sur bien des aspects, est aujourd'hui tendue. Après avoir exposé leurs différends sur le Mercosur, c’est sur le dossier ukrainien qu’Olaf Scholz et Emmanuel Macron affichent depuis lundi leur incompatibilité.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
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Emmanuel Macron et Olaf Scholz à l'Elysée, le 26 février 2024, à l'occasion de la conférence internationale visant à renforcer le soutien occidental à l'Ukraine. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le mécanisme d'une Europe unie est grippé par les désaccords entre la France et l'Allemagne. C’est un vrai problème au moment où de plus en plus de voix s’interrogent sur le sort de la région en cas de défaite militaire de l’Ukraine. Les querelles entre États membres de l’UE nourrissent souvent l’ironie de ceux qui considèrent l’Union comme une usine à gaz ingouvernable. Elles font dire à d’autres que c’est le prix à payer dans une communauté démocratique. Mais sur ce thème, celui de la sécurité européenne, Olaf Scholz et Emmanuel Macron ont le devoir, l’obligation d’accorder leurs violons.

C’est pourtant tout l’inverse qui s’est passé lundi 26 février à Paris, lors de la conférence de soutien à l’Ukraine. Sur l'option, encore très abstraite, d’un envoi de troupes dans ce conflit, Emmanuel Macron avait-il vraiment besoin de viser l’Allemagne en rappelant qu’il y a deux ans "beaucoup, autour de cette table, n’envisageaient d’envoyer que des sacs de couchage et des casques" ? Olaf Scholz avait-il besoin de "bouder" la conférence de presse à la suite de la réunion, pour déclarer 12h plus tard, depuis Berlin, que "l’Europe et l’Otan n’enverront aucun soldat en Ukraine" ?

Divergences à propos d'une armée européenne

Tout le problème est là : qui doit s’occuper de la défense de notre continent, l’Otan ou de l’Europe elle-même ? Sur ce point, les deux puissances européennes sont aux antipodes l’une de l’autre. La France est une puissance nucléaire, elle dispose d’une armée autonome pour assurer sa propre défense et également pour gérer ses opérations extérieures. L’Allemagne, elle, assure la protection de son territoire et s’en remet entièrement à l’Otan pour tout ce qui va au-delà de ses frontières.

La guerre, en Ukraine, a certes fait évoluer la situation, avec des projets communs comme ASAP pour fabriquer des munitions ou EDIRPA pour renforcer l’industrie de défense, mais sur l’aide militaire à l’Ukraine, E. Macron et O. Scholz refusent de se coordonner et de s’entendre sur l’idée d’une armée européenne. Ils ne se rejoignent même pas sur une défense commune du ciel européen.

Attitude visible et "irresponsable"

C'est une attitude irresponsable face à un tel enjeu pour Wolfgang Ischinger, ancien ambassadeur d’Allemagne aux États-Unis. Sur le plateau de la chaîne allemande Welt TV il déclare : "C'est profondément regrettable en termes de politique nationale. Il est du devoir de tous les participants, du côté français comme du côté allemand, de faire tout ce qui est imaginable pour parvenir à l'harmonie, à l'unité et à une action commune. Si l'Allemagne et la France affichent leur désaccord devant les Russes, où pensez-vous que les bouchons de champagne vont sauter ? Pas à Washington, ni en Italie, mais à Moscou."

Toutes les divisions européennes sur l’Ukraine permettent à Vladimir Poutine de durer. Et plus le conflit dure, plus il offrira à la Russie des fenêtres d’opportunités. Le retour de Donald Trump à Washington, le possible désengagement des États-Unis dans l’OTAN, on ne parle même pas de 2027, date à laquelle la Chine sera en capacité d’envahir Taïwan. Le Pentagone a d’ores et déjà prévenu que les Américains ne pourront pas s’engager sur un double front. À quoi ressemblera la défense européenne à ce moment-là, si ses dirigeants refusent de s’entendre, on se le demande.

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