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La Chine soupçonnée de stériliser les femmes de la minorité ouïghoure

La Jamestown Foundation, un centre de recherche américain, accuse la Chine de procéder à des stérilisations forcées à l’encontre des femmes de cette minorité musulmane.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une habitante d'un quartier ouïghour, à Aksu, dans la région chinoise du Xinjiang, le 11 septembre 2019. (HECTOR RETAMAL / AFP)

Le rapport publié lundi 29 juin fait 30 pages et il est très documenté, sur la base à la fois de témoignages de victimes et de formulaires administratifs chinois. Il établit que depuis quatre ans le pouvoir central de Pékin a mis en place un contrôle drastique des naissances dans cette région du Xinjiang située à l’est du pays. Avec des méthodes radicales qui rappellent les pires moments de l’histoire du 20e siècle.

En quatre ans, la croissance de la population ouïghoure a baissé de 84% et le processus ne cesse de s’accélérer. L’objectif officiel de l’année 2020, dans certains districts du Xinjiang, est même d’avoir une croissance démographique nulle. Depuis l’an dernier, cela passe par des stérilisations de masse : dans une région au moins, le but assumé est de stériliser une femme sur trois en âge de procréer, en procédant à la ligature des trompes. Dès qu’une femme a trois enfants, cette proposition lui est faite de façon systématique. Souvent en proposant une indemnité pouvant atteindre l’équivalent de 600 euros. Mais plusieurs témoignages confirment aussi des stérilisations forcées.  

Imposer l'ethnie Han dans la région

Avec cette politique, Pékin cherche à "siniser" la région, c’est-à-dire que l’ethnie Han, majoritaire en Chine, devienne aussi majoritaire au Xinjiang, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : les Hans forment un gros tiers de la population. Les Ouïghours musulmans demeurent majoritaires, d’autant que leur croissance démographique est naturellement forte. Ou plutôt était jusqu’à présent naturellement plus forte. Et cette région à l’est de la Chine est un point stratégique dans le grand projet géopolitique chinois des nouvelles routes de la soie. Pékin veut donc contrôler la situation.  

1 000 camps de détention

C’est d’ailleurs loin d’être la première accusation contre la Chine sur cette question de la répression contre les Ouïghours. Plusieurs ONG estiment qu’entre 1 million et 1,5 million de Ouïghours, c’est-à-dire à peu près 15% de la population, se trouvent dans un millier de camps de détention, qui rappellent un peu les goulags staliniens. La torture y est pratiquée, et les conditions sont souvent insalubres. Évidemment, le pouvoir chinois nie tout en bloc. Aussi bien les stérilisations forcées que les camps de détention. Pékin préfère le vocable "camp de formation" où l’on apprend la citoyenneté et où l’on fait du sport. Officiellement pour ne pas être tenté par le terrorisme séparatiste qui a, un temps, frappé la région. Si l’on en croit les autorités chinoises, le Xinjiang est même devenu "un modèle de stabilité et d’harmonie".  

Une enquête remise en cause par Pékin

La Chine dénonce aussi bien sûr la fiabilité de ce rapport. La Fondation Jamestown, qui le publie, a longtemps été critiquée pour ses positions néoconservatrices, voire soupçonnée d’être un bras de la CIA. Mais elle s’est ouverte à d’autres influences, compte désormais dans son comité plusieurs anciens conseillers des présidents démocrates Bill Clinton et Barack Obama. Et l’auteur du rapport, Adrian Zenz, est un chercheur allemand, considéré comme un très bon spécialiste de la Chine. En tout cas, dans le contexte de vive tension entre Washington et Pékin, l’administration Trump a évidemment sauté sur l’occasion pour dénoncer "les pratiques chinoises déshumanisantes".  

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