La neutralité de l'Ukraine en questions
Une nouvelle séance de négociations entre Ukrainiens et Russes est programmée en Turquie. Les discussions porteront notamment sur un possible statut de "neutralité" pour l’Ukraine, option désormais envisagée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Neutralité, qu'est-ce que cela signifie ?
Le sens premier, c’est la neutralité militaire. Autrement dit s’engager à ne participer à aucun conflit, ne faire partie d’aucune alliance militaire, ne soutenir aucun belligérant, n’abriter aucune base étrangère. C’est un statut prévu par la Convention internationale de La Haye en 1907. Et il y a des précédents. Quand un pays l’adopte, il peut soit l’inscrire dans sa Constitution, c’est le cas de l’Autriche depuis 1955, soit l’appliquer de façon tacite, c’est le cas de la Suède depuis deux siècles.
Il est probable que la Russie préfèrerait voir l’Ukraine suivre le modèle autrichien : une neutralité garantie par le droit. Parce que Moscou veut s’assurer de l’existence d’une sorte de "zone tampon" entre le territoire russe et les pays membres de l’Otan. Cela implique évidemment un renoncement de Kiev à toute adhésion à l’Otan, mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déjà fait le deuil de cette option.
Les exemples suédois et autrichien de neutralité militaire
Mais évidemment, le pays "neutre" veut des contreparties, des garanties, a fortiori dans le cas de l’Ukraine : Kiev n’a évidemment pas confiance dans les promesses de Moscou, après les agressions russes en série, d’abord en 2014, puis cette fois-ci depuis plus d’un mois. Donc le président ukrainien pose légitimement des conditions à un statut de neutralité : des garanties pour la sécurité de son pays. Cela comporte un volet strictement ukrainien : pouvoir développer malgré tout un système de défense nationale. C’est ce que fait la Suisse. Et un volet international : que des pays tiers se portent garants de la sécurité du territoire de l’Ukraine en cas de nouvelle agression russe.
Mais quels pays tiers ? Ce n’est pas un détail, ni pour Moscou, ni pour Kiev. Autre point potentiel de friction : de quoi parle-t-on quand on parle du territoire de l’Ukraine ? Le président ukrainien est-il prêt à accepter de céder officiellement à la Russie la Crimée au sud et les provinces russophones du Donbass à l’est ? Autrement dit un partage du pays, comme il existe par exemple les deux Corées, du Nord et du Sud. C’est pourquoi le président Zelensky prend la précaution d’annoncer qu’un tel statut de neutralité ne pourrait être adopté sans un référendum en Ukraine.
L'enjeu de la neutralité politique et de l'adhésion à l'Union Européenne
La neutralité, cela peut aller aussi plus loin que le militaire : Moscou peut demander une forme de neutralité politique. C’est un échelon au-dessus. La neutralité politique, c’est en fait la position de la Suisse depuis plus de cinq siècles. C’était aussi implicitement la position de la Finlande sous l’Union soviétique mais c’était un choix sous contrainte, une autocensure, un renoncement à critiquer l’URSS, parce que la menace de Moscou était trop proche.
La neutralité politique, contrairement à la neutralité militaire, est une notion floue sur le plan juridique, elle n’est pas envisagée dans le droit international. On imagine aisément que c’est le souhait de Moscou. À l’inverse, Kiev ne veut pas en entendre parler. Parce que Kiev, par exemple, a bien l’intention (et l’a dit clairement) de pouvoir adhérer à l’Union européenne. Il y a d’ailleurs plusieurs exemples de neutralité militaire mais pas politique : la Suède ou l’Autriche sont membres de l’Union européenne.
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