Le Canada et l'Inde en pleine crise diplomatique après l'assassinat d'un leader sikh
L’accusation des uns, le déni des autres, des diplomates de haut rang expulsés de chaque côté. En à peine 24 heures, la tension entre l’Inde et le Canada est très rapidement montée d’un cran, mardi 19 septembre. À l’origine de la colère canadienne, l’assassinat d’un leader de la communauté sikh, Hardeep Singh Nijjar, dans l’ouest du pays. Crime qu’Ottawa a sans hésiter attribué au gouvernement indien.
Ce qui est surprenant, c’est la rapidité avec laquelle le Premier ministre Justin Trudeau a pointé du doigt les autorités indiennes. L’assassinat date du mois de juin. Ce prédicateur séparatiste sikh, recherché par la police indienne, a été abattu devant son temple près de Vancouver par deux hommes. Des "agents du gouvernement" selon le Premier ministre canadien qui affirme que ses services de sécurité disposent de preuves crédibles. L’Inde répond que tout cela est "absurde", dément tout acte de violence au Canada et se déclare inquiète pour ses ressortissants compte tenu de l’activité anti-indienne sur le territoire canadien. Une sérieuse crise diplomatique.
Russie, Corée du Nord... les Etats et les assassinats ciblés
Le gouvernement indien n’est pas vraiment coutumier de ce genre de méthode. Une méthode, une politique même, d’assassinats ciblés, de moins en moins dissimulée par les Etats qui la pratiquent tout en refusant d’assumer leurs actes.
Les maîtres en la matière restent les Russes qui ont travaillé pendant des décennies pour élaborer des poisons incolores, inodores : le novitchok sur les vêtements de l’ancien agent du renseignement militaire russe, Sergueï Skripal, assassiné en Grande-Bretagne, ou le polonium, toujours au Royaume-Uni, pour l’opposant Alexandre Litvinenko.
Mais d’autres nations se livrent à ce genre de pratiques en violation du droit international, comme la Corée du Nord avec l’assassinat en Malaise de Kim Jong-Nam, le demi-frère du leader nord-coréen, la Turquie lorsqu’elle cible les opposants kurdes ou encore l'Arabie Saoudite avec le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul.
Le droit international encadre les exécutions dans le cas d'un conflit armé
Pour le droit international, les Etats peuvent parfois justifier de telles exécutions s’ils parviennent à convaincre qu’ils agissent dans le cadre d’un conflit armé. Un argument souvent utilisé par les États-Unis pendant la traque d’Oussama Ben Laden, par exemple, ou lors de la frappe contre le général iranien Soleimani.
Même si le gouvernement indien considérait le leader sikh comme un terroriste, l’Inde n’est pas en conflit avec le Canada, ni même en conflit armé avec des militants vivant au Canada. Mais Justin Trudeau a tout de même pris certaines précautions dans son intervention mardi. Le Premier minsitre canadien a lourdement insisté sur l’atteinte à la souveraineté de son pays et demande des comptes mais reste vague sur la nature juridique du crime. "Je continue d’insister auprès du gouvernement indien pour qu’il coopère avec le Canada dans l’optique de faire la lumière sur cette affaire. J’attends aussi qu’il réaffirme que sa position sur les opérations extrajudiciaires dans un autre pays est clairement en conformité avec le droit international" a déclaré Justin Trudeau. "Opération extrajudiciaire" et non pas "exécution", le terme reste suffisamment vague et flou laissant à l’Inde la possibilité soit de présenter les preuves de son innocence soit de verser une compensation qui conviendrait au Canada.
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