Les pays d'Europe de l'Est ferment leurs frontières aux produits agricoles ukrainiens
Des millions de tonnes de blé, de maïs, de colza ou de tournesol entassées dans des silos et des hangars. Les images sont impressionnantes et les chiffres sont à l'avenant. En mai 2022, l'Union européenne décide de suspendre les droits de douane sur tous les produits importés d'Ukraine, afin d'aider Kiev à contourner le blocus russe en mer Noire. Résultat : 31,5 millions de tonnes de céréales transitent par l'Europe de l'Est en 2022. Destination : l’Égypte, l’Indonésie, le Liban ou encore le Pakistan. Mais le transport coûte cher, et la logistique ne suit pas. Le grain s'accumule - et s'écoule - sur le sol hongrois, polonais, roumain ou slovaque. Les revenus des agriculteurs locaux s'effondrent, et la colère gronde.
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Vente interdite, transit sous surveillance
La Pologne est alors la première à franchir le pas. Impossible en effet pour les nationaux-conservateurs au pouvoir de s'aliéner l'électorat rural, à six mois des élections. Samedi 15 avril, Varsovie annonce la fermeture des frontières polonaises à tous les produits agricoles ukrainiens, non seulement les céréales, mais aussi la quasi-totalité des produits de consommation courante : fruits et légumes, viande, lait, œufs, vin ou miel. La Hongrie, la Solvaquie et la Bulgarie ne tardent pas à suivre et n'autorisent plus que le transit des denrées, sous surveillance renforcée. D'abord interdit par la Pologne, le transport de marchandises en transit est rétabli mardi 18 avril suite à un accord avec Kiev.
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Face à ces fermetures de frontières, Bruxelles joue l'apaisement. Le droit commercial européen est pourtant une prérogative de la commission européenne. Les États membres n'ont pas le droit de fermer leurs frontières de façon unilatérale. Pourtant, loin de sanctionner Varsovie, Budapest, Bratislava et Sofia, l'UE annonce mercredi 19 avril une nouvelle aide financière : 100 millions d'euros pour les agriculteurs les plus touchés, après les 56 millions d'euros octroyés en mars. La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen souhaite surtout une approche commune du problème, car ces fermetures de frontières en ordre dispersé font " le jeu des adversaires de l’Ukraine".
Les premiers soutiens politiques de l'Ukraine économiquement lésés
La problématique est en effet économique, mais aussi géopolitique. C'est d'ailleurs tout le paradoxe de la situation : des pays qui soutiennent massivement l'effort de guerre ukrainien, la Pologne notamment, se retrouvent économiquement lésés par l'ouverture des frontières européennes à l'Ukraine. Et ce n'est qu'un début, car à l'exception de la Hongrie, cette même Europe de l'Est milite activement pour une entrée rapide de l'Ukraine dans l'Union européenne, mais elle a beaucoup à y perdre : politique agricole commune bouleversée, fonds de cohésion redistribués... ces mêmes fonds européens qui profitent avant tout aux États membres situés en Europe centrale et orientale.
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