Tunisie : Najla Bouden, première femme à la tête d’un gouvernement dans le monde arabe
Deux mois après le limogeage du précédent cabinet, le président Kaïs Saïed l'a chargée de former un gouvernement "dans les plus brefs délais" en Tunisie, tout en réduisant les prérogatives liées à ce poste de chef du gouvernement.
Le monde musulman a déjà connu des femmes à la tête de gouvernements dans différents pays : Benazir Bhutto au Pakistan, ou Tansu çiller en Turquie, mais également au Bangladesh où deux femmes se disputent d'ailleurs le poste depuis vingt ans, ou encore en Indonésie, premier pays musulman du monde en terme de population. Dans les pays arabes en revanche c’est effectivement une première. D’ailleurs, dans la courte vidéo présentant la nomination de Najla Bouden au poste de chef du gouvernement, le président tunisien Kais Saied insistait - un peu lourdement - sur le côté "historique" de ladite nomination ; évoquant en la matière "un honneur pour la Tunisie et un hommage à la femme tunisienne".
Au-delà de cette annonce, et premier bémol que l’on peut mettre au caractère "historique" de cette nomination, Najla Bouden est une quasi-inconnue. Elle n'est pas une femme politique, elle n'a jamais eu d'engagement ; c'est une fonctionnaire, ingénieure-géologue de formation ; elle était responsable de la mise en œuvre des projets de la Banque mondiale au ministère de l'Education. Elle avait également exercé quelques autres responsabilités dans ce même ministère, notamment comme chargée de mission. Son expérience de gestion des affaires publiques semble s'arrêter là. La tâche de construire un nouveau gouvernement, de faire repartir l'économie tunisienne tout comme celle de "mettre fin à la corruption", puisque c'est la mission principale confiée par le président Kais Saied à ce futur gouvernement, tout ça ne sera pas simple à mettre en œuvre.
Dans l'ombre du président
On peut même se demander si cette nomination d'une femme n'est pas qu'un simple "affichage". D’autant plus que cette nomination intervient quelques jours après une sorte d'amendement-express de la Constitution tunisienne, intervenu la semaine dernière ; et qui a permis la concentration de la plupart des pouvoirs entre les mains du seul président de la République : Kaïs Saïed. Celui-ci avait renvoyé l'ancien Premier ministre fin juillet dernier. Par une sorte de coup de force, il avait également suspendu le parlement et gouvernait seul depuis, avec - c'est vrai - un authentique soutien populaire. Mais la semaine dernière, ces dispositions - à la limite de la légalité - ont été officiellement confirmées par décret présidentiel.
Depuis le 22 septembre, l'éxécutif tunisien est dorénavant dirigé par le seul président, qui d'ailleurs préside le conseil des ministres ; quant au pouvoir législatif il est également pour ainsi dire "confisqué" jusqu'à nouvel ordre par ce même président qui gouvernera dorénavant par décret-loi. Bref, concentration des pouvoirs et présidentialisation manifeste du régime : le rôle même du futur Premier ministre tunisien risque d'être pour le moins diaphane, ravalé au rang de simple secrétaire d'une présidence toute puissante. Aussi bien, la première femme Premier ministre d'un pays arabe pourrait bien se révéler n'être finalement que l'homme de paille d'une sorte de super-président...
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