Une armada de lobbyistes des énergies fossiles à Ottawa, pour le premier traité international contre la pollution plastique
Les négociations mondiales pour mettre sur pied le premier traité visant à lutter contre les déchets plastiques, qui inondent la nature du fond des océans au sommet des montagnes, ont repris mardi 23 avril à Ottawa, au Canada. Un traité surveillé de près, que le ministre de l’environnement canadien espère "ambitieux", c'est un enjeu crucial pour la santé publique, l’environnement et le climat. La production plastique augmente de manière exponentielle, 460 millions de tonnes aujourd’hui, c’est deux fois plus qu’il y a 20 ans.
Et les derniers calculs de l’OCDE prévoient qu'il y en aura trois fois plus en 2060 d’après. Ce qui nous conduit directement au point central des discussions d’Ottawa : comment juguler cette frénésie plastique ? Parmi les solutions, celle d’imposer à chaque pays un plafond de production, "limiter et réduire la consommation et la fabrication de plastique à des niveaux durables".
Et cette solution, pour l’instant, fait partie du traité. C’est d’ailleurs l’une des victoires obtenues par les défenseurs de l’environnement au précédent tour de négociations à Nairobi en 2023. Et c'est une solution soutenue par une coalition de pays qui estiment qu’elle doit être accompagnée de règles juridiques contraignantes. Cette solution est encouragée même par certaines célébrités.
Le "Dude", l’acteur américain Jeff Bridges, dénonce les ravages de la saturation plastique dans un message adressé aux négociateurs. "Le plastique est présent dans notre eau, notre nourriture, notre air, nos terres, et même dans nos corps", énumère le comédien dans une vidéo. "Le plastique et ses composants chimiques sont liés au développement de cancers, de diabète, de problèmes d’obésité, pulmonaires, de fertilité… Le constat est clair : le plastique nous empoisonne", poursuit-il.
Les lobbyistes appellent à miser sur le recyclage plutôt que de limiter la production
Tout le monde ne partage pas ce point de vue. Sachant que 99% du plastique est composé par des énergies fossiles, il est un phare dans la nuit pour les géants pétroliers. Le plastique est un nouvel eldorado que l’industrie pétrolière défend à Ottawa, en s’appuyant sur une armée de lobbyistes. Leur travail est d’expliquer que le plafonnement de la production plastique n’est pas la solution et qu’il faut miser sur le recyclage. Un marché, justement, entre les mains de ces mêmes industriels qui militent pour l’instauration de "crédits plastiques", de l’argent qui pourrait financer les processus de recyclage.
Et à Ottawa, l’influence de ces lobbyistes est colossale. Ils sont intégrés aux délégations des pays (les pays producteurs de pétrole donc) avec un accès direct à toutes les réunions, y compris les discussions les plus sensibles qui se déroulent à huis clos. Ces "influenceurs plastique" étaient 143 aux discussions de Nairobi, ils sont 196 à Ottawa. Les lobbyistes du plastique sont plus nombreux que les scientifiques et plus nombreux que les membres de la délégation européenne.
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