Rythmes scolaires : pourquoi tant d'inquiétudes ?
Le projet de décret sur la semaine de quatre jours et demi, présenté vendredi par Vincent Peillon aux représentants du personnel de l'Education nationale, suscite la préoccupation des différents acteurs du dossier, malgré un soutien de principe.
Sur le principe, la réforme fait l'unanimité. Le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, présente vendredi 11 janvier en comité technique ministériel son projet de décret sur les rythmes scolaires. Le texte prévoit le retour à la semaine de quatre jours et demi en primaire à la rentrée 2013, pour étaler davantage les 24 heures de cours hebdomadaires et donc réduire la fatigue des élèves et favoriser les apprentissages. Toutefois, son application est problématique, comme en témoigne le rejet du projet mardi par le Conseil supérieur de l'éducation. Francetv info revient sur les préoccupations exprimées par les différents acteurs du dossier.
Les communes inquiètes pour leur budget
"Le nerf de la guerre de cette réforme, c'est l'argent." Le syndicat d'enseignants SNUIPP-FSU formule ainsi la crainte des collectivités locales, qui redoutent de devoir assumer un coût supplémentaire engendré par la réforme. En effet, les journées de classe seront réduites à 5h30 (voire moins), mais les élèves ne sortiront pas plus tôt pour autant. Pour compenser, une partie du temps de cours en moins sera confiée aux communes, qui devront proposer des activités culturelles, sportives ou encore artistiques supplémentaires. L'ajout d'une demi-journée de classe le mercredi ou le samedi matin signifie également des frais de transport scolaire en plus, comme le redoute le maire de Montagnieu (Isère).
Pour aider les communes qui appliqueront la réforme dès 2013, Jean-Marc Ayrault a annoncé en décembre une aide financière de l'Etat de 50 euros par élève (ou 90 dans les zones en difficulté) puis 45 euros par élève en 2014. Les maires qui demanderont avant mars une dérogation pour retarder la mise en œuvre du décret à 2014 ne pourront pas prétendre à ces aides, issues d'un fonds de 250 millions d'euros annoncé par François Hollande. L'Association des maires des grandes villes de France a chiffré le coût de la réforme à 600 millions d'euros, rapporte Le Figaro.
Les professeurs inquiets pour les activités
Supprimant l'aide personnalisée destinée aux élèves en difficulté, le texte met en place des "activités pédagogiques complémentaires" en "groupes restreints". Il pourra s'agir d'aide aux élèves en difficulté, mais aussi d'aide aux devoirs et d'activités diverses. Le temps dégagé à cet effet en fin de journée (entre 30 et 45 minutes) risque d'être insuffisant. "Faire croire que les devoirs peuvent être faits dans ces conditions relève de la supercherie", estime notamment Lucien Marbœuf sur son blog "L'instit'humeurs".
Autre sujet qui fâche, le porte-monnaie. Le SNUIPP exige un effort salarial à l'occasion de cette réforme, mettant en avant une masse de travail plus importante. En effet, les enseignants seront davantage présents à l'école, pour animer la demi-journée en plus et les fameuses "activités pédagogiques complémentaires" en fin de journée, partagées avec les communes. D'éventuels frais de garde d'enfants s'ajouteront pour les enseignants lors de ces demi-journées supplémentaires. Le choix de la matinée supplémentaire divise d'ailleurs les enseignants, entre partisans du mercredi et partisans du samedi, comme le rapporte Lucien Marboeuf dans cet article.
Les professionnels du tourisme inquiets pour le secteur
Chaque réforme des rythmes scolaires fait réagir le lobby de l'industrie touristique, comme le rappelle Slate.fr. La Nouvelle République rapporte que des communes comme Blois (Loir-et-Cher) vont demander une dérogation pour que la demi-journée supplémentaire soit le samedi matin (et non le mercredi matin, retenu par défaut). Les professionnels du tourisme se sont émus de cette remise en cause des week-ends en famille et de l'impact potentiel sur leur activité. "Les rythmes scolaires sont fixés depuis 1961 en accord avec le ministère du tourisme", souligne Lucien Marboeuf. Vincent Peillon a notamment révélé en juillet avoir été contacté par l'association des propriétaires de résidences secondaires.
Les parents d'élèves inquiets pour la garde
Qui dit retour à la semaine de quatre jours et demi dit réorganisation du planning hebdomadaire dans les familles, notamment en matière de garde d'enfants. En mai, dans un sondage Ifop, 55% des parents d'élèves scolarisés en primaire exprimaient leur désaccord avec la semaine de quatre jours et demi. En août, quitte à choisir, les Français s'exprimaient à 68% pour le mercredi matin, aux dépens du samedi.
Une inquiétude peut-être révélatrice d'une peur du changement. En effet, comme le montre ce reportage à Angers (Maine-et-Loire), dans le groupe scolaire de l'Isoret où la semaine de quatre jours et demi est déjà appliquée, le sytème est dans l'ensemble jugé positivement.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.