Procès Mediator : "Des erreurs ont été commises", reconnaît un des avocats des laboratoires Servier mais "l'instruction a été menée à charge"
Maître Jacques-Antoine Robert estime qu'il "est important que tout le monde puisse s'exprimer dans ce procès, y compris les laboratoires Servier". Il pointe toutefois la question de "la prescription sur une partie du dossier".
"Il est important que tout le monde puisse s'exprimer dans ce procès, y compris les laboratoires Servier", a estimé maître Jacques-Antoine Robert, un des avocats du groupe pharmaceutique, lundi 23 septembre sur franceinfo, alors que s'ouvre pour six mois le procès du Mediator. Les laboratoires Servier ont commercialisé pendant des années l'anti-diabétique, largement détourné comme coupe-faim et tenu pour responsable de centaines de morts.
franceinfo : Demandez-vous pardon aux victimes ?
Maître Jacques-Antoine Robert : Il y a évidemment des regrets immenses parce que la réalité humaine est terrible. A partir de ce moment, le temps du procès, c'est aussi le temps d'un message, une forme d'excuse, de regrets. Des erreurs ont été commises, des erreurs partagées avec l'Agence du médicament qui sera jugée aux côtés du laboratoire. Le laboratoire Servier a lancé une indemnisation des victimes. C'est insuffisant, c'est même le minimum que l'on devait aux victimes. Maintenant c'est le temps des explications et c'est là-dessus que nous attendent beaucoup de patients. Nous allons essayer d'être le plus clair possible pour les juges mais aussi pour les patients qui se posent beaucoup de questions.
Servier a indemnisé 3 800 victimes. Est-ce un moyen d'acheter leur silence ?
C'est une offre que l'on devait faire. Il ne s'agit pas d'acheter quoi que ce soit. C'est une partie de la solution. A aucun moment ça n'a pour effet d'empêcher le procès. Quand on indemnise les gens, la réparation pour le préjudice est définitive. En revanche, à propos de la poursuite pénale, le parquet continue de poursuivre pour l'intégralité des patients, y compris ceux qui ont été indemnisés.
L'actuel président des laboratoires Servier a dénoncé une instruction à charge. Est-ce que vous allez donc réclamer un report de l'audience ou sa suspension ?
Il est certain que l'instruction a été menée à charge. Tout est parti d'un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dirigé à l'époque par Aquilino Morelle. C'est un dossier qui a servi de trame à l'instruction et on n’y avait jamais entendu les laboratoires Servier. Il est donc important que tout le monde puisse s'exprimer dans ce procès, y compris les laboratoires Servier.
Vous allez donc déposer dès aujourd'hui des questions prioritaires de constitutionalité (QPC). Est-ce que cela signifie que vous souhaitez que le procès soit ajourné ?
Cela ne veut pas dire cela. La présidente du tribunal a fixé le temps des QPC pour cette première semaine. Ce sont des questions préalables. Elles doivent être posées à ce moment-là. Il y a des questions essentielles qui doivent être posées comme celle de la prescription sur une partie du dossier. C'est important parce que certains faits remontent à 1974. Cela pose de vraies questions de défense, de possibilité d'avoir des témoins qui soient encore présents. Les juges doivent donc pourvoir répondre sur tous ces points, pour ainsi savoir s'il y a lieu ou non d'interroger le Conseil constitutionnel sur l'application des règles de prescription dans ce dossier.
"Le Mediator, peut-être trois morts et ces personnes étaient dans un mauvais état", avait déclaré l'ancien dirigeant des laboratoires, Jacques Servier, mort en 2014. Ces mots, on ne les entendra plus ?
Aujourd'hui le laboratoire est dirigé par Olivier Laureau, qui a fait des déclarations publiques, qui a des regrets, qui a lancé l'indemnisation dès 2011. Jacques Servier a eu à l'époque des mots d'une maladresse extrême. Il avait aussi son âge. Il n'avait peut-être pas la conscience de la réalité des choses. Aujourd'hui il est absolument indispensable que les laboratoires Servier continuent leur évolution vers une meilleure compréhension de ce qui s'est passé. Evidemment il y a des regrets.
La pneumologue Irène Frachon a révélé l'affaire. La félicitez-vous pour ce qu'elle a fait ?
Bien sûr. Irène Frachon doit être félicitée pour ce qu'elle a fait, aux côté aussi des laboratoires Servier puisque trois études, dont celle de madame Frachon et celle de Servier, ont permis à l'Agence du médicament de considérer en 2009 qu'il y avait un risque avéré. Le produit a alors été retiré du marché.
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