: Infographies Amiante : votre école fait-elle partie des milliers d'établissements encore concernés, plus de 25 ans après l'interdiction ?
Des fibres d'amiante dans une dalle qui se fissure, dans des cloisons ou des sanitaires... Plus de 26 ans après l'interdiction de l'amiante, des milliers d'écoles abritent encore cet isolant dangereux pour l'organisme. Combien d'établissements exactement ? Personne ne le sait avec précision, malgré les sérieux problèmes de santé publique que posent ces fibres depuis des décennies. Les équipes de la série documentaire Vert de rage, diffusée sur France 5, ont donc voulu en savoir plus, et se sont lancées dans un gigantesque recensement auprès de toutes les écoles primaires et maternelles de France.
"Ça a été un long travail de contacter les 50 000 écoles et les 35 000 mairies qui en ont la responsabilité", souligne Mathilde Cusin, coréalisatrice de Vert de rage. Malgré ces milliers de demandes, les journalistes se sont souvent heurtés à un mur de silence : on ignore tout de la présence (ou de l'absence) d'amiante dans deux tiers des écoles. Sur les 15 804 écoles pour lesquelles les équipes de Vert de rage ont obtenu une information, on apprend que 5 505, soit plus d'un tiers, présentent des traces d'amiante. A l'inverse, on sait que 4 771 écoles n'en contiennent pas. Pour les autres, on dispose d'informations concernant les diagnostics réalisés, mais pas de leurs conclusions.
L'école de votre enfant est-elle concernée ? Et celles où vous avez étudié, ou peut-être travaillé ? En collaboration avec les équipes de Vert de rage, franceinfo publie un moteur de recherche inédit. Vous pouvez rechercher le nom de votre commune pour obtenir la liste des établissements qui s'y trouvent, et leur situation concernant l'amiante.
Explorez les données en détail dans votre commune
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Les écoles à
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Situation en (dernier état connu) :
Précisions de l'équipe de "Vert de Rage" :
Pour en savoir plus, sollicitez votre école
D'après la loi, tout parent ou personnel de l'école peut demander à consulter le diagnostic technique amiante de l'établissement. Vous êtes en droit de le réclamer auprès du chef d'établissement ou de votre commune.
Attention, cette situation peut avoir changé.
Des travaux peuvent avoir été réalisés. Dans certains cas, l'école ou la mairie n'a pas souhaité communiquer une version actualisée de ces informations.
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Vous souhaitez demander une modification, et disposez d'informations vérifiées sur la présence d'amiante dans une école ? Vous pouvez envoyer un mail aux équipes de Vert de rage qui ont réalisé ce recensement, à l'adresse vertderage@pltv.fr. La présence d'amiante dans une école ne représente pas nécessairement un danger immédiat. Pour en savoir plus sur la localisation et l'état des matériaux amiantés, vous êtes en droit de consulter le diagnostic amiante de votre école.
Des dizaines de milliers de décès liés à l'amiante entre 2009 et 2050
Puisque beaucoup d'écoles présentent une situation inconnue, le bilan réel de l'amiante dans les écoles du premier degré pourrait être bien plus sombre que celui présenté ici. Jusqu'en 1997, l'amiante était un matériau largement utilisé dans la construction des établissements scolaires, comme dans le bâtiment en général. "L'amiante a servi à tout. C'est un bon isolant thermique et phonique, c'est très résistant, énumère Maxime Misseri, géologue et spécialiste de l'amiante . Mais dès que ça se dégrade, vous pouvez avoir des émissions dans l'air. Soit de manière passive, soit via une action mécanique, si on tape dessus par exemple." Ainsi, une fibre visible à l'œil nu peut libérer des millions de fibres plus petites.
Il n'existe pas de seuil en dessous duquel respirer des fibres d'amiante n'est pas dangereux, et les conséquences sur la santé sont maintenant établies. L'amiante serait responsable du décès de 70 000 à 100 000 personnes entre 2009 et 2050 ; engendre entre 150 et 170 cancers du larynx et de l'ovaire chaque année ; et, au sein de l'enseignement, 20 à 60 personnels de l'enseignement déclarent chaque année un mésothéliome, c'est-à-dire un cancer de la plèvre. Les conséquences sur la santé des plus jeunes restent peu connues, alors que les maladies se déclarent généralement plusieurs décennies après l'exposition.
Pour limiter ces risques, les différentes réglementations apparues après 1997 obligent les écoles et les mairies, dont elles dépendent, à tenir à jour un dossier technique amiante (DTA), composé d'un ou plusieurs diagnostics. Un contrôle peut révéler la présence d'amiante, sans que cela présente un danger imminent pour les usagers. Mais si l'amiante se trouve dans des matériaux dégradés et émettant des fibres, il peut aussi exiger des travaux et des mesures de surveillance. Les conclusions de ces diagnostics sont en théorie consultables par les parents ou tout personnel de l'établissement.
Un manque de transparence
Le dernier vaste recensement effectué sur ce sujet date de 2016. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une partie des informations de notre moteur de recherche remonte à cette époque. Elles sont issues d'une enquête menée par l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ONS), un organisme rattaché à l'Education nationale ayant été supprimé en 2020. Ses conclusions, élaborées à partir d'un échantillon d'un tiers des établissements environ, montraient l'existence d'amiante "dans plus de trois quarts des collèges et lycées construits avant 1997", date d'interdiction de l'amiante. Et 38% des écoles publiques étaient aussi concernées. En février 2020, les données ayant abouti à ce rapport ont été obtenues par Libération , et publiées en open data.
C'est donc pour compléter et mettre à jour ces chiffres vieux de sept ans que Vert de rage a lancé son propre recensement. Les journalistes ont même insisté pendant huit mois auprès des services des 100 plus grandes villes de France. Mais le sujet de l'amiante est encore sensible : seuls sept d'entre eux ont répondu. "On a essuyé beaucoup de refus, reçu beaucoup d'éléments de langage, raconte Mathilde Cusin, de Vert de rage. On a même appris que certaines écoles avaient reçu pour consigne de ne pas nous répondre. Alors que certains enseignants sont excédés par la situation et ont envie d'en parler."
Parmi les bons élèves se trouve la municipalité de Strasbourg, qui a accepté de transmettre aux équipes le détail complet de ses écoles. "On a tout intérêt à ce que ces documents soient publics", plaide Jérémie Leymarie, gestionnaire du patrimoine école pour la ville de Strasbourg. " Le pire serait qu'il y ait une méconnaissance du sujet et que des personnes fassent des travaux là où il y a de l'amiante".
Des financements et une prévention qui font défaut
Si le problème persiste autant, c'est en partie par manque de financement. "Certains maires nous ont appelés pour nous dire qu'ils savaient qu'il y avait de l'amiante et des travaux à faire, reprend Mathilde Cusin. Mais ils n'ont pas le budget pour le faire". Plusieurs spécialistes interrogés par franceinfo pointent aussi la question du manque de formation, parfois criant dans les communes de petite taille. "Les chefs d'établissements sont peu formés", déplore Cyril Verlingue, cofondateur du collectif Urgence Amiante Ecoles. "Certains ne maîtrisent pas les enjeux techniques, ou n'ont pas d'informations sur le sujet, car le DTA est introuvable".
Et lorsque les premiers diagnostics sont faits, "c'est la surveillance de la dégradation potentielle des matériaux qui n'est peut-être pas à la hauteur pour garantir qu'il n'y ait pas d'émissions de fibres", estime Maxime Misseri, spécialiste de l'amiante. "Ce qui fait défaut, c'est le suivi de ces observations", abonde Jean-Marie Schléret, ancien président de l'ONS. "Quand ça ne communique pas bien entre la direction de l'école et les mairies, ces dossiers dorment, ou on se renvoie la balle."
Quelles solutions apporter ? Cyril Verlingue et l'association Urgence Amiante Ecoles demandent un grand plan de réhabilitation du bâti scolaire. "On est conscient de l'enjeu financier. Ça n'est pas aux collectivités, seules, de régler le problème", appuie-t-il. Comme d'autres, il milite aussi pour l'existence d'une base de données transparente, répertoriant toutes les écoles et accessible à tous, à l'image de celle qu'a tenté de construire Vert de rage.
Dans un document ministériel sur les orientations stratégiques pour l'année 2020-2021, il est d'ailleurs prévu la création d'un "carnet de bord numérique centralisant l'ensemble des informations essentielles" concernant l'amiante notamment. Où en est ce projet ? Contacté, le ministère de l'Education nationale indique qu'il n'a pas encore abouti : sa cellule "bâti scolaire", créée en 2019 et en charge de ces sujets, "a été fortement mobilisée à l'occasion de la pandémie de Covid-19". "Le ministère y travaillera avec les collectivités", promet la rue de Grenelle.
Le ministère ne dispose donc pas de recensement ni de chiffres consolidés et actualisés sur le sujet. Il renvoie la balle aux communes, en insistant sur le fait qu'il leur appartient de repérer, traiter et suivre la présence d'amiante dans les écoles. Il ne peut agir que "dans les domaines qui relèvent de sa compétence, à savoir l'information des personnels" et de la communauté éducative. Plusieurs guides de prévention ont été publiés. Le dernier, édité en 2022, "présente les principaux points de la réglementation et les bonnes pratiques à mettre en œuvre".
En attendant, Vert de rage continue son travail. En plus de ce recensement, les journalistes ont réalisé plusieurs prélèvements dans des écoles où de l'amiante avait été détecté. Salles de classe, dortoirs, cantines… Les tests ont été réalisés à l'aide de lingettes normées et d'une analyse en laboratoire. Sur 14 écoles étudiées, 11 prélèvements ont révélé la présence d'amiante, dont 5 au-dessus du seuil d'alerte de 5 000 fibres/cm2 en vigueur aux Etats-Unis. Il n'existe pas de seuil pour cette méthode en France.
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