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Bactérie E. coli : cinq questions sur la recrudescence de contaminations d'enfants liée aux pizzas Buitoni Fraîch'Up

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Jusqu'à mercredi, les autorités sanitaires estimaient qu'il y avait un lien "possible" entre ces contaminations et les pizzas de la gamme Fraîch'Up, de la marque Buitoni. Il est depuis avéré. (MAXPPP)

La France connaît depuis fin février une brusque poussée d'intoxications alimentaires aiguës. A ce jour, 41 cas graves ont été identifiés et 34 autres sont en cours d'investigation.

"C'est l'épidémie de la plus grande ampleur qui ait jamais été décrite en France." Interrogée mercredi 30 mars par France Inter, l'épidémiologiste de Santé publique France Gabrielle Jones n'a pas caché son inquiétude. En cause : la brusque recrudescence depuis fin février de cas graves d'intoxications alimentaires, liés à des contaminations par la bactérie Escherichia coli (E. coli).

Une quarantaine d'enfants sont tombés malades, victimes d'un syndrome hémolytique et urémique, qui se traduit par des insuffisances rénales aiguës et de graves problèmes sanguins. Deux d'entre eux sont morts. Pour certains, un lien a été établi avec la consommation de pizzas surgelées de la marque Buitoni. Une situation qui soulève plusieurs questions.

1Qu'est-ce que la bactérie E. coli ?

Escherichia coli, dite E. coli, désigne une famille de bactéries, présentes en grand nombre dans l'appareil digestif. Toutes ne sont pas dangereuses pour la santé. Au contraire, une partie d'entre elles jouent un rôle dans le bon fonctionnement de l'organisme. Mais certaines peuvent provoquer des intoxications.

"C'est le cas des souches de E. coli dites entérohémorragiques (ECEH) (...) qui provoquent des diarrhées sanglantes et produisent une puissante toxine à l'origine du syndrome hémolytique et urémique", expose l'Institut Pasteur.

Dans la grande majorité des cas, l'infection survient en mangeant. "Le réservoir naturel des ECEH étant principalement le tube digestif des bovins, les produits alimentaires concernés sont généralement la viande crue ou insuffisamment cuite, les produits laitiers au lait cru, et plus rarement les produits végétaux crus", détaille l'Institut. Dans de plus rares cas encore, des cas de transmission entre individus peuvent avoir lieu "en milieu familial ou dans des collectivités", comme des crèches.

2Quelles peuvent être les conséquences d'une contamination ?

Une fois présentes dans l'intestin, les souches dangereuses de E. coli libèrent "une toxine, ce qui va provoquer des microthromboses dans les petits vaisseaux, notamment ceux du rein, et donc engendrer une insuffisance rénale, mais aussi une baisse des plaquettes, une anémie", détaille au Parisien le professeur Bruno Moulin, néphrologue à Strasbourg. 

Les premiers symptômes apparaissent généralement entre 3 et 10 jours après l'infection. Dans la plupart des cas, il s'agit de douleurs abdominales accompagnées de diarrhées, qui peuvent devenir sanglantes. Dans certaines situations, des vomissements et de la fièvre peuvent survenir. 

Chez les personnes âgées et les jeunes enfants, la maladie peut évoluer, dans environ 10% des cas, vers un "syndrome hémolytique et urémique" (SHU). "Les personnes atteintes présentent alors des signes de grande fatigue, de pâleur, une diminution du volume des urines, qui deviennent plus foncées, et parfois des convulsions. La prise en charge à l'hôpital peut comporter, entre autres, des transfusions sanguines et/ou des dialyses", détaille le ministère des Solidarités et de la Santé sur son site internet.

Dans environ un cas de SHU sur quatre, des complications neurologiques pouvant aboutir à un coma apparaissent, ajoute l'Institut Pasteur. C'est ce qui est arrivé à Bérénice, qui avait consommé une pizza Buitoni en famille le 16 mars. Agée de 7 ans, cette petite fille qui vit près de Tours (Indre-et-Loire) est désormais hospitalisée dans le coma, placée sous respirateur après deux arrêts cardiaques, racontent ses parents à la radio RMC.

"Ça a commencé par les reins, c'est remonté au cœur. Les reins ne fonctionnant plus, ça a dégagé beaucoup de toxines, qui ont atteint le côté neurologique. Ça lui a fait avoir des amnésies, des hallucinations."

Mickaël et Leslie, parents d'une fille de 7 ans infectée par E. coli

à RMC

3Que sait-on de la récente résurgence de cas ?

Au total, 41 cas graves de syndromes hémolytiques et urémiques ont été identifiés et 34 supplémentaires sont en cours d'évaluation, selon le dernier décompte établi par Santé publique France mercredi. Les enfants malades sont âgés de 1 à 18 ans, avec un âge médian de 7 ans. Deux d'entre eux sont morts à la suite de ces contaminations. 

Ces 75 cas sont survenus dans 12 régions de France métropolitaine : Hauts-de-France (16 cas), Nouvelle Aquitaine (11), Pays de la Loire (10), Ile-de-France (9), Bretagne (7), Grand Est (5), Auvergne-Rhône-Alpes (4), Centre Val-de-Loire (4), Provence-Alpes-Côte d'Azur (3), Bourgogne Franche-Comté (2), Normandie (2) et Occitanie (2).

Bactérie E.Coli : les pizzas Buitoni accusées d’au moins 41 cas de contaminations
Bactérie E.Coli : les pizzas Buitoni accusées d’au moins 41 cas de contaminations Bactérie E.Coli : les pizzas Buitoni accusées d’au moins 41 cas de contaminations (FRANCE 3)

"Nous sommes déjà à la moitié de ce qu'on observe habituellement sur une année, s'alarme Gabrielle Jones, épidémiologiste à Santé publique France, au micro de France Inter. Avec 41 cas que l'on appelle 'épidémiques', il s'agit du nombre le plus important de cas reliés à une même épidémie qu'on ait jamais observé."

De nombreux parents dont les enfants ont récemment été victimes de SHU racontent ainsi sur Facebook avoir consommé ces pizzas lors des dernières semaines. Jusqu'à mercredi, les autorités sanitaires estimaient qu'il y avait un lien "possible" entre ces contaminations et les pizzas de la gamme Fraîch'Up de la marque Buitoni. Mais depuis, des analyses "ont confirmé un lien entre plusieurs cas et la consommation" de ces pizzas surgelées. Les autorités ne précisent toutefois pas si c'est le cas pour les contaminations qui ont provoqué les deux décès.

4Comment a réagi Buitoni ?

"Aujourd'hui, on ne comprend pas ce qui a pu arriver, mais nous allons développer un protocole d'analyse que nous allons soumettre aux autorités", a réagi Jérôme Jaton, directeur général industriel de Nestlé, lors d'une conférence de presse mercredi. "Je suis de tout cœur avec ces familles qui ont des cas d'intoxication, souvent avec de jeunes enfants", a-t-il ajouté, en rappelant qu'un numéro vert destiné aux consommateurs avait été mis en place (0800 22 32 42).

Depuis le 18 mars, Nestlé a fermé deux lignes de production de son usine près de Caudry (Nord) afin de procéder à des analyses. "Nous sommes prêts à nous remettre totalement en cause sur les causes potentielles", assure Jérôme Jaton, qui n'exclut pas une contamination au niveau de la pâte à pizza, même si les infections proviennent habituellement de la viande.

5Que faire si j'ai mangé une pizza suspecte ?

Les autorités sanitaires ont procédé à un rappel massif des pizzas Fraîch'Up de Buitoni mi-mars, demandant aux consommateurs de détruire ces produits s'ils en trouvaient dans leur congélateur. Ce rappel concerne potentiellement de nombreux consommateurs, car le groupe Nestlé affirme produire entre 100 000 et 150 000 de ces pizzas par semaine.

Plus généralement, le ministère de la Santé rappelait mi-mars que "les E. coli responsables du SHU (...) supportent bien le froid (survie dans un réfrigérateur ou congélateur), mais sont détruites par la cuisson"

En cas d'apparition, dans les dix jours après la consommation de la pizza, de diarrhées, de douleurs abdominales ou de vomissements, les autorités de santé rappellent la nécessité de consulter un médecin. La consultation s'impose aussi si, dans les 15 jours, apparaissent des signes de grande fatigue, de pâleur, ou une diminution du volume des urines, qui deviennent plus foncées. "En l'absence de symptômes dans les 15 jours suivant la consommation, il est également rappelé qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter", conclut la DGS.

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