"Marketing de la malbouffe" : c'est une "agression envers nos jeunes publics" s'insurge un nutritionniste qui appelle à "une régulation claire et nette"
"Je parle d'agression", s'insurge mercredi 13 septembre sur franceinfo le professeur Boris Hansel, nutritionniste, chef de l'unité Nutrition Prévention à l’hôpital Bichat et créateur de la chaîne Youtube "Nutrition DrBH". Il n'est "pas étonné" des résultats de l'enquête de Foodwatch publiée ce mercredi. L'organisation non gouvernementale de défense des consommateurs a passé au crible 228 boissons et aliments pour enfants.
>> Malbouffe : Foodwatch dénonce le marketing à destination des enfants dans une enquête
Selon son enquête, 9 produits sur 10 ne devraient pas faire l'objet de marketing ciblant les plus petits. L'ONG assure que ces produits sont trop gras ou trop sucrés, par rapport aux recommandations nutritionnelles de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Elle dénonce un "marketing de la malbouffe" et demande un encadrement de ces "pratiques délétères".
Le professeur Boris Hansel répète, lui, qu'il s'agit de "marketing agressif" qui "participe à l’aggravation de la situation sanitaire quand on s’intéresse à l’obésité". Il appelle les pouvoirs publics à s'emparer du sujet. "On a régulé pour le tabac, on a régulé pour l'alcool, à quand une régulation claire et nette sur le marketing alimentaire pour tous ces produits ultra-transformés ?" interroge-t-il.
franceinfo : Les résultats de cette enquête vous étonnent ?
Boris Hansel : Je ne suis pas étonné. Ce qui est intéressant, c'est d'avoir quantifié les choses. Il suffit d'allumer sa télévision, de regarder sur Internet ou les emballages d'aliments, pour se rendre compte qu'il y a un marketing agressif. Je parle d'agression envers nos jeunes publics et puis aussi envers les adultes. C'est évident que ça fonctionne, sinon ils [les industriels] ne le feraient pas. Mais le problème est simple : on ne régule pas, on ne contrôle pas alors qu'on connaît les conséquences de ce type d'alimentation. On a régulé pour le tabac, on a régulé pour l'alcool, à quand une régulation claire et nette sur le marketing alimentaire pour tous ces produits ultra-transformés ? Évidemment, il ne faut pas mettre non plus sur le même plan que l'alcool et le tabac. Il y a beaucoup de différences, mais on sait que ce marketing participe à l’aggravation de la situation sanitaire quand on s’intéresse à l’obésité.
Les marques dont on parle, on les connaît tous, elles font partie de notre quotidien. Faut-il réguler la publicité ou alors il faut demander à ces industriels de l'agroalimentaire de changer les recettes ?
Il n'y a pas une solution qui va résoudre ce problème. Tout est bon à prendre. Encourager les industriels à changer les recettes, c'est ce qui fait par le Nutri-Score notamment. Je fais partie de ces personnes qui pensent qu’il devrait être obligatoire. Il a ses inconvénients aussi. Mais il y a un fait : ça conduit à un certain nombre d'industriels, à améliorer les recettes, mais ça ne suffira pas ! Deuxièmement, pour la publicité, ce n'est pas nouveau, l'OMS [l'Organisation mondiale de la santé] a donné des directives pour que les pays prennent des politiques de santé publique pour réduire cette agression marketing, notamment envers les enfants et les ados.
Mais il y a eu des campagnes comme celle qui indique qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour. Ce n'est pas suffisant ?
C'est toujours bon à prendre encore une fois. Mais vous mettez un enfant ou même un adulte devant une publicité avec une super céréale qui va vous faire devenir un super-héros. Ça dure 30 secondes. Puis, on dit très rapidement, on vous dit : "pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé". C'est écrit en blanc, en tout petit. Cette petite phrase avec un message qui finalement vous dit 'mets-toi au régime', excusez-moi, mais ça ne fait pas le poids.
Le problème, c'est que d'un côté, vous avez des millions, peut-être des milliards d'euros qui sont consacrés à ce marketing agressif et de l'autre côté, on a des campagnes [de prévention] à peine financées de temps en temps. Et aujourd'hui, d'un côté, vous avez "l'alimentation normale", c'est l'alimentation ultra-transformée et de l'autre, manger des fruits, des légumes, des produits bruts, c'est devenu une alimentation de régime.
"Les spécialistes du marketing pourraient nous donner envie de manger des brocolis ou des épinards, s'ils voulaient le faire."
Boris Hansel, nutritionnisteà franceinfo
Je ne dis pas qu'on n'a pas le droit de manger tout ce qu'il y a au supermarché. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une disproportion entre l'investissement marketing dans ces produits-là et aucun investissement dans le marketing pour une alimentation normale et encore une fois, je ne parle pas d'alimentation de régime. Caricaturer le brocoli comme un aliment de régime, c'est à ça que ces publicités, ce marketing agressif, ont abouti. Je crois que la prévention reste la clef pour éviter l'aggravation de cette situation catastrophique pour les enfants et les adultes.
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