: Vidéo "On veut vendre nos vins à ceux qui les consomment, pas à ceux qui spéculent dessus", parole de vigneron bourguignon
Jusqu'à 30 000 euros à Hong Hong pour des caisses de gevrey-chambertin, jusqu'à 2 600 euros une bouteille sur internet ! Où s'arrêtera la folie de la spéculation qui touche les vins de Bourgogne ? Dans cet extrait d'"Envoyé spécial", le viticulteur Eric Rousseau dit sa façon de penser.
Encore inconnu du grand public, il est pourtant classé depuis une dizaine d'années parmi les meilleurs vignerons dans tous les guides de dégustation. En Bourgogne, Eric Rousseau vit au rythme de ses 15 hectares de vigne. Ici, pas de course au rendement : peu de grappes, bien espacées. Il emploie dix personnes par jour pour une toute petite récolte. A peine 5 000 caisses, mais Eric Rousseau sait ce qu'il veut : "pas forcément plus de vignes et plus de vin", mais "des vins de qualité à la fin". Pour lui, le vin doit rester un plaisir simple.
Du temps de son père et de son grand-père, vignerons, c'était un métier pénible, peu considéré. Armand Rousseau a été l'un des premiers dans la région à mettre en vente des bouteilles avec son nom dessus. Comme lui, son petit-fils laisse ses vins vieillir tranquillement dans des tonneaux en chêne.
On vient du Japon pour une dégustation
Aujourd'hui, devant la grille de son domaine, les amateurs défilent toute la journée, parfois venus du Japon pour une dégustation. Mais "c'est trop compliqué, on est vraiment trop occupés", leur répond Eric Rousseau. "On a trop de clients déjà, explique-t-il, et on n'a pas assez de vin, donc on est obligés de dire non."
Le viticulteur n'a pas besoin de faire déguster sa production. Tout est déjà vendu avant même d'être mis en bouteilles. Eric Rousseau ne vend son vin qu'à ses allocataires, un millier de clients abonnés au domaine depuis des années. Pour la récolte 2016, des prix allant de 30 à 300 euros la bouteille, selon les cuvées. Loin de ceux qu'atteignent les enchères à Hong Kong.
"Ce n'est qu'une bouteille de vin de 75 cl !"
Certains clients fidèles n'hésiteront pas à revendre eux-mêmes ces bouteilles sur internet, où elles pourront afficher jusqu'à dix fois leur valeur initiale... Le producteur, lui, ne touche pas un centime sur une spéculation qu'il a du mal à comprendre. "Moi, je serais acheteur, à ce prix-là, je n'en achèterais pas. Je ne comprends pas pourquoi il y a des prix aussi élevés."
Si certains sont prêts à mettre 1 000 euros dans une bouteille de gevrey-chambertin, pourquoi ne pas en profiter ? "Ce n'est pas du tout ce qui nous intéresse, réplique tranquillement le viticulteur. Nous, on a envie de vendre nos vins à ceux qui les consomment, pas à ceux qui spéculent dessus. Ce n'est qu'une bouteille de vin de 75 centilitres !"
Extrait de "L'ivresse du succès", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 18 octobre 2018.
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