Cet article date de plus d'un an.

Une femme morte, neuf personnes hospitalisées... Ce que l'on sait de l'intoxication au botulisme dans un bar à vin bordelais

Ces personnes ont toutes en commun d'avoir consommé des sardines en bocal dans cet établissement entre le 4 et le 10 septembre.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le bar à vin Tchin Tchin Wine Bar, fréquenté par les personnes hospitalisées pour une intoxication au botulisme, à Bordeaux, le 12 septembre 2023. (MAXPPP)

Elles ont toutes fréquenté le même bar à vin à Bordeaux. Douze personnes ont contracté le botulisme après avoir consommé des sardines en bocal dans l'établissement Tchin Tchin Wine Bar, a annoncé l'Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine lors d'une conférence de presse, mercredi 13 septembre. L'une d'entre elles est décédée en région parisienne, et neuf autres sont hospitalisées à Bordeaux et en Ile-de-France. Un autre cas a été recensé à Barcelone, en Espagne. "Les personnes qui ont fréquenté cet établissement sont appelées à la plus grande vigilance et à consulter en cas de symptômes", demande l'ARS. Voici ce que l'on sait de ces intoxications.

Les victimes ont fréquenté le même établissement

Tous les cas recensés ont fréquenté cet établissement bordelais "entre le lundi 4 et le dimanche 10 septembre", selon l'ARS. La plupart des personnes touchées "sont de nationalité étrangère (Etats-Unis, Canada, Allemagne)", a précisé la direction générale de la santé (DGS) dans un bulletin publié mardi soir. Selon l'ARS, les aliments incriminés sont "des conserves de sardines faites maison par le restaurateur". L'établissement reste ouvert, mais avec un service réduit.

"Je reconnais que j'avais un lot de sardines stérilisées et qu'à l'ouverture, j'ai dû en jeter certaines qui avaient une forte odeur. D'autres paraissaient saines et ont été servies aux clients", a déclaré le gérant du restaurant au journal Sud Ouest, qui avait révélé l'information. "Je suis dévasté pour ces clients s'il s'avère qu'ils sont tombés malades chez moi", a-t-il ajouté.

Benjamin Clouzeau, médecin réanimateur au CHU de Bordeaux, interrogé par l'AFP, n'exclut pas l'arrivée d'autres malades pendant quelques jours. "Le temps d'incubation du botulisme alimentaire peut aller de quelques heures à quelques jours", confirme la DGS dans son bulletin.

Un décès en région parisienne et neuf personnes hospitalisées

A ce stade, douze cas suspects ont été officiellement recensés, dont les neuf personnes hospitalisées, le cas espagnol et la femme décédée. Parmi les neufs personnes hospitalisées, sept sont en réanimation à Bordeaux, dont cinq sous assistance ventilatoire. La dernière personne hospitalisée est en soins intensifs en Ile-de-France. Elle était en couple avec la trentenaire qui a succombé à cette maladie, selon l'ARS. Par ailleurs, un homme, "faiblement touché", a pu rentrer chez lui. Les jours de la personne touchée en Espagne ne sont pas en danger, assure également l'ARS.

La femme décédée était âgée de 32 ans, selon la même source. Elle est morte "en région parisienne", a rapporté mardi soir le docteur Benjamin Clouzeau dans un message sur X (ex-Twitter), relayé par France Bleu Gironde.

"Tous ces patients ont bénéficié d'un traitement antitoxinique", a fait savoir mardi Benjamin Clouzeau auprès de l'AFP. "Leur état peut potentiellement persister pendant plusieurs semaines", au cours desquelles "de multiples complications" peuvent survenir, selon lui. "C'est exceptionnel. En France, nous avons entre 20 et 30 cas par an."

Des symptômes caractéristiques pour une maladie potentiellement mortelle

Santé publique France appelle les personnes présentant des signes de troubles digestifs (diarrhée, vomissements), de la vision ou de la parole après avoir fréquenté l'établissement concerné, à contacter les services d'urgence pour bénéficier du traitement antitoxinique "le plus précocement possible".

Le botulisme est une maladie neurologique rare, mais potentiellement mortelle. "Les symptômes comprennent, à des degrés variables : des signes digestifs précoces pouvant être fugaces (douleurs abdominales, nausées, vomissements et diarrhée), une atteinte oculaire (défaut d’accommodation, vision floue ou double), une sécheresse de la bouche accompagnée d’un défaut de déglutition voire d’élocution, ou des symptômes neurologiques (fausses routes, paralysie plus ou moins forte des muscles). Il n'y a habituellement pas de fièvre", précise la DGS dans son bulletin. L'atteinte neurologique motrice ou sensitive en fait toute la gravité, avec des paralysies des membres ou des muscles respiratoires pouvant se compliquer avec une détresse respiratoire parfois fatale.

Cette affection est due à l'action de la toxine botulique produite par une bactérie appelée Clostridium botulinum. Elle se développe notamment dans les aliments mal conservés et n'ayant pas subi de processus poussé de stérilisation, comme de la charcuterie, des conserves familiales ou artisanales de légumes (haricots verts, épinards, champignons, betteraves) ou de poisson (thon en boîte, poisson fermenté, salé ou fumé), précisent l'Institut Pasteur et l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2019, une habitante de l'Essonne s'était retrouvée "quasi totalement paralysée" après avoir avalé une soupe aux légumes périmée. La toxine botulique est "la plus puissante du monde végétal, microbien ou encore animal. Elle est plus puissante que le cyanure", expliquait alors Christelle Mazuet, responsable du centre national de référence Bactéries anaérobies et botulisme de l'Institut Pasteur, au Parisien.

Un traitement qui dépend de la rapidité du diagnostic

"Le traitement du botulisme est essentiellement symptomatique [il agit sur les symptômes, mais pas directement sur leur cause, le botulisme] et requiert, dans les formes sévères, des soins respiratoires intensifs avec ventilation assistée", explique la DGS. Cette ventilation mécanique peut devoir être maintenue "pendant des semaines ou même des mois", prévient l'OMS de son côté. Tout dépend de la rapidité du diagnostic. "L'administration d'antitoxine botulique dans les heures ou les premiers jours après le début des symptômes peut permettre de raccourcir le temps d'hospitalisation", confirme la DGS.

Cette administration précoce réduit efficacement les taux de mortalité, toujours selon l'Organisation mondiale de la santé, qui alerte sur le fait que des erreurs de diagnostic sont parfois commises à propos du botulisme, souvent confondu avec un AVC, un syndrome de Guillain-Barré ou une myasthénie grave (maladie rare auto-immune). "Il est important que nos collègues soient alertés afin de ne pas méconnaître des patients", appuie le docteur Benjamin Clouzeau sur X.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.