Chlamydia, gonorrhée, syphilis... Pourquoi ces infections sexuellement transmissibles explosent depuis 2020 en France

Les cas d’infections sexuellement transmissibles bactériennes (IST) ont nettement augmenté en France entre 2020 et 2022, selon les données des médecins généralistes. Des chiffres décryptés et expliqués pour franceinfo par le docteur Pascal Pugliese.
Article rédigé par franceinfo - Cécile Da Costa
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Différentes méthodes contraceptives contre le VIH et  infections sexuellement transmissibles (IST) avec un préservatif masculin (g) et féminin (d) avec ses livrets d'informations. (VINCENT VOEGTLIN / MAXPPP)

La tendance est à la hausse. Entre 2020 et 2022, les médecins généralistes du réseau Sentinelles constatent une augmentation d’infections sexuellement transmissibles (IST) dans leurs cabinets. Les chiffres publiés mardi 12 décembre par Santé publique France se concentrent sur trois infections bactériennes, la chlamydia (+16% en deux ans), gonorrhée (+91%), syphilis (+110%).

Une nette hausse qui s’explique à la fois par une "hausse des dépistages" et une "moindre utilisation des préservatifs", selon Pascal Pugliese, médecin au CHU de Nice et président de la coordination nationale de la lutte contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles en région Paca.

franceinfo : Comment expliquez-vous cette hausse du nombre de cas de ces trois IST ?

Pascal Pugliese : Premièrement, depuis plusieurs années les gens se dépistent davantage. Soit grâce à la communication faite autour de cette question, soit par la prise en charge des personnes qui sont sous Prep [un traitement préventif contre le VIH, ndlr]. Ces personnes-là sont suivies tous les trois mois pour faire un dépistage des IST. Et puisque le recours à cette Prep augmente, notamment depuis 2020 en médecine de ville, il n’est pas anormal de voir une augmentation du dépistage et donc probablement des diagnostics d’IST chez les médecins libéraux. Cela dit, il est aussi possible que l'incidence des IST soit en hausse à cause de la moindre utilisation du préservatif. On constate en tout cas une stagnation de la vente des préservatifs. On rappelle que depuis le début de l'année 2023, les préservatifs sont disponibles gratuitement en pharmacie pour les moins de 26 ans. On le sait moins, mais pour les plus de 26 ans, les préservatifs sont aussi remboursés par l'assurance maladie, sur ordonnance.

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Les chiffres de Santé publique France sont clairs, les jeunes ne sont pas les seuls concernés par ces IST. Les hommes de plus de 50 ans sont les plus concernés par la syphilis, cela vous étonne ?

Non. C’est tout de même une population assez spécifique qui est touchée par la syphilis, ou les infections à gonocoque. Ce sont surtout des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, qui ont plusieurs partenaires, qui utilisent la Prep et utilisent probablement moins les préservatifs. La bonne nouvelle, c'est que ces gens-là sont aussi dépistés plus régulièrement dans le cadre de l'utilisation de la Prep. Mais pour tous les autres, il faut vraiment inviter, quel que soit l'âge, toutes les personnes qui ont plusieurs partenaires à se faire dépister et traiter si nécessaire.

"Il y a un chiffre très parlant : près de 25 % des personnes chez qui on diagnostique le VIH chaque année ont plus de 50 ans."

Pascal Pugliese

à franceinfo

Dans leur jeunesse, l’usage du préservatif n’était pas forcément systématique et donc peut-être, effectivement, qu'ils n’ont pas l’habitude de l’utiliser. Et puis je rappelle quand même que les infections à chlamydias sont particulièrement élevées chez les jeunes femmes. Ces cas sont souvent asymptomatiques, mais peuvent provoquer de gros problèmes d’infertilité. Souvent on voit arriver les patientes une fois qu'elles ont des symptômes et donc l'infection est déjà bien présente ce qui peut entraîner des complications. D’où la nécessité de se faire dépister, même si l’on n’a pas de symptômes. 

Quels sont les signes et symptômes d’une IST ?

Il y a de nombreux symptômes. Globalement, il s’agit quand même de douleurs au niveau vaginal, des écoulements purulents, des douleurs à la miction chez l'homme [le fait d’uriner, ndlr]. La syphilis prend d'autres formes : cela peut être complètement asymptomatique, ça peut prendre la forme d'une ce qu'on appelle un chancre [érosion ou ulcération de la peau, ndlr]. On peut voir aussi des éruptions cutanées. Donc il ne faut pas hésiter, devant tout trouble urinaire, vaginal ou anal, chez quelqu'un qui a une activité sexuelle, à aller se faire dépister régulièrement avec des prélèvements qui sont très simples à faire.

Comment se protéger des IST ?

Les préservatifs restent le moyen le plus utilisé pour la prévention des infections sexuellement transmissibles et aussi pour le VIH. Et puis il y a d'autres moyens, le suivi et le dépistage régulier en font partie. On espère que dans les mois qui viennent, la Stratégie nationale de santé sexuelle permette d'avoir, comme pour le VIH maintenant, un dépistage des IST sans ordonnance dans tous les laboratoires. Et puis, il y a aussi l'utilisation des vaccinations, par exemple contre l'hépatite B ou le papillomavirus.

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