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Comment on peut devenir ivre en mangeant des frites

Un Britannique souffre de symptômes d'ébriété quand il ingurgite des frites. Un phénomène rarissime, éclairé par des spécialistes.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une chercheuse américaine a décrit "le syndrome d'auto-brasserie", après avoir étudié plusieurs cas de patients intoxiqués sans avoir bu. (ZAVE SMITH / IMAGE SOURCE / AFP)

Deux barquettes, ça va. Trois, bonjour les dégâts. Un Britannique devient ivre quand il mange des frites, rapporte la BBC (en anglais), car il est atteint du "syndrome d'auto-brasserie". L'amidon des pommes de terre est en effet décomposé par un excès de levure présent dans ses intestins, au point de produire suffisamment d'alcool pour faire tourner la tête du gourmand ! Francetv info a sollicité des spécialistes pour tenter de comprendre cet étrange phénomène.

En cause, une surproduction de levure dans l'intestin

Pour faire de la bière, le brasseur ajoute de la levure à l'orge et au houblon. Ici, c'est un peu pareil. "Les glucides absorbés fermentent avec la levure contenue dans l'intestin, et cela produit de l'alcool", résume Vincent Renaud, membre de l'Institut européen de physionutrition. "Une partie des dérivés de la fermentation des sucres est détoxifiée au niveau du foie. Mais il peut rester des petites molécules, des métabolites, qui contiennent de l'alcool. Je pense par exemple à l'arabinitol, produit par un type de levure, la candida famata."

"Il y avait  400% de levure de plus que la normale", selon le chercheur Anup Kanodia. Autant dire que l'intestin de Nick Hess est une cuve en puissance, gorgée de saccharomyces cerevisia, un autre type de levure. A chaque consommation de frites, rebelote, le Britannique souffre de violentes nausées et des maux de ventre. En temps normal, la flore intestinale contrôle pourtant l'action et le développement de la levure. Mais chez lui, un dysfonctionnement a modifié cet équilibre.

Levure saccharomyces au microscope. (CHRISTIAN GAUTIER / BIOSPHOTO / AFP)

Des cas aussi rares que médiatiques

Plusieurs facteurs peuvent favoriser ce type de phénomènes, précise Vincent Renaud, comme la prise d'antibiotiques ou d'anti-inflammatoires, ou encore la surconsommation de glucides, qu'on trouve par exemple dans les pâtes ou les pizzas. Mais pas de quoi paniquer : le syndrome "d'auto-brasserie" est rarissime, précise Jean-Christophe Saurin, gastroentérologue au CHU de Lyon, "y compris chez des individus qui ont des facteurs de prédisposition ou chez des patients qui souffrent d'une cirrhose d'une foie ou d'un intestin qui fonctionne mal."

D'ailleurs, aucun des deux spécialistes contactés n'a observé de cas similaires dans sa carrière, même si Vincent Renaud précise que des patients lui ont parfois "décrit un état de fatigue et des étourdissements, similaires à un état d'ébriété". Les exemples restent donc aussi rares que médiatiques. Il y a quelques années déjà, le cas d'un Texan de 61 ans avait fait l'objet d'un article (PDF en anglais) rédigé par Barbara Cordell, chercheuse au Panola College du Texas (Etats-Unis), qui étudie désormais le cas de Nick Hess. "Ce monsieur avait un intestin très lent et prenait des traitements antibiotiques", précise Jean-Christophe Saurin. Il a finalement été soigné avec un antifongique.

Les conséquences sont sérieuses pour les patients atteints de ce mal rare. "Il devrait être reconnu en raison de ses implications sociales telles que la perte d'un emploi, des difficultés sociales, une stigmatisation et même d'éventuelles arrestations et incarcérations", selon Barbara Cordell. En attendant, les baraques à frites restent dispensées de licence IV.

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