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Lucien Neuwirth, l'homme qui a fait passer la pilule

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Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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Il y a 50 ans, la légalisation de la contraception était votée à l'Assemblée nationale. A l'origine de cette loi, Lucien Neuwirth, "Lulu la pilule", ancien résistant et gaulliste. Cet homme de conviction était revenu sur son combat pour la libre contraception des femmes dans le Magazine de la Santé en 2002. 

Lulu la pilule

Né le 18 mai 1924 à Saint-Étienne, résistant à 16 ans, Lucien Neuwirth rejoint les Forces Françaises Libres.

Arrivé à Londres en 1942, il y côtoie le général de Gaulle. C'est dans la capitale britannique que le jeune résistant a découvert un spermicide effervescent à usage unique, le Gynomin (en vente libre depuis 1927). Il en deviendra le fournisseur attitré auprès de ses amis de la France libre, gagnant le surnom de "Lulu la pilule".


Interrogé en 2002 par le Magazine de la santé, Lucien Neuwirth se souvient du suicide de l'une de ses amies enceinte, un évènement qui a participé à son engagement politique en faveur de la contraception.

Adhérent au RPF à la Libération, il commence sa carrière politique comme conseiller municipal de sa ville natale. C'est là qu'il fait la connaissance, en 1957, du mouvement Maternité heureuse, qui deviendra le Mouvement français pour le planning familial. La légalisation de la contraception devient alors pour lui un objectif politique.

Il parvient à convaincre De Gaulle

"Alors Neuwirth, parlez-moi de votre affaire..." En 1966, Lucien Neuwirth vient exposer son projet au président de Gaulle.

L'année précédente, cet artisan d'une politique nataliste avait été choqué que le candidat de gauche, François Mitterrand, ose inscrire la libéralisation de la pilule à son programme électoral. Il avait alors déclaré : "La pilule ? Jamais... On ne peut pas réduire la femme à une machine à faire l'amour. [...] Si on tolère la pilule, le sexe va tout envahir".


Lucien Neuwirth se souvient de son entretien avec le président de Gaulle.

C'est en exposant, 45 minutes durant, la misère des femmes, mères malgré elles, et les horreurs de l'avortement clandestin que le député finit par emporter l'adhésion présidentielle. "C'est vrai, transmettre la vie, c'est important ! Il faut que ce soit un acte lucide, continuez" : par cette formule lapidaire, il donne son feu vert à Lucien Neuwirth pour qu'aboutisse son combat pour légaliser la contraception.

L'hostilité de tante Yvonne... et des autres

Quelques mois avant mai 68 et sa révolution des moeurs, le "oui" discret du général ne met pas un terme à l'hostilité de nombreuses personnalités, à commencer par "Tante Yvonne", l'épouse du président, les associations catholiques ou l'ordre des médecins.

Soutenu par la gauche et le planning familial, M. Neuwirth fait l'objet d'attaques violentes au sein de son propre camp, où il est traité de "fossoyeur de la France", de "malfaiteur public" et "d'assassin d'enfants".

Le 1er juillet 1967, sa proposition pour abroger une loi nataliste qui depuis 1920 réprime la contraception, est enfin mise en discussion à l'Assemblée. "[Ce texte de 1920 était] une loi de circonstance faite pour compenser la terrible hémorragie causée par la première guerre mondiale", plaide M. Neuwirth. "L'heure est désormais venue de passer de la maternité accidentelle à une maternité consciente et pleinement responsable".

Les adversaires de la pilule brandissent la menace d'une baisse de la natalité, redoutent un relâchement des moeurs et la "nocivité" des méthodes contraceptives. "La pilule est dangereuse" clame ainsi à l'Assemblée le médecin et député gaulliste Jacques Hébert, soulignant l'absence de recul sur les effets à long terme de ce produit récent, les premières pilules datant du début des années 60. Son collègue de l'UDR, Jean Coumaros s'inquiète du "pouvoir absolu" que les femmes vont acquérir sur leur fécondité et tente, en vain, d'introduire un amendement pour que la prescription de la pilule soit "faite en accord avec le mari".


Lucien Neuwirth s'est confronté à l'hostilité et à l'incompréhension de très nombreux parlementaires de sa majorité.

Vote de nuit

Le 19 décembre 1967, la proposition est définitivement votée dans une version édulcorée. Elle autorise la fabrication et l'importation de contraceptifs, leur vente exclusive en pharmacie sur ordonnance médicale, avec autorisation parentale pour les mineures.

Pour la faire adopter, M. Neuwirth use d'un stratagème : un vote nocturne, à main levée, qui permet de ne pas afficher les noms des opposants et des partisans. Toute la gauche vote pour tandis qu'à droite, les bancs sont très clairsemés.

De Gaulle promulgue la loi le 28 décembre, mais il faut attendre 1969 pour que les premiers décrets soient publiés et 1974 pour que la pilule soit remboursée par la sécurité sociale.


Pour Lucien Neuwirth, il s'agissait avant tout de redonner aux femmes un droit dont on les avait privé.

Lucien Neuwirth est décédé le 26 novembre 2013 à l'âge de 89 ans.

la rédaction d'Allodocteurs.fr, avec AFP

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