Certains cancers métastasent-ils plus lorsque l'on mange très gras ?
CD36 est une protéine qui joue un rôle important dans la détection et l'absorption des lipides. Au terme d’une série d’expériences décrites ce 7 décembre 2016, dans la revue Nature, une équipe de chercheurs espagnols estime que cette protéine pourrait être un facteur déterminant dans la propagation de certaines tumeurs cancéreuses (mélanome, sein, ovaires, vessie et poumons)… tout du moins chez la souris.
Ces chercheurs ont soumis des souris à une alimentation riche en graisses avant de leur injecter des cellules provenant d'un cancer humain de la bouche. Environ 80% d'entre elles auraient développé des métastases contre 30% des souris ayant reçu une alimentation standard.
Les chercheurs ont également traité les cellules cancéreuses pendant deux jours avec des acides palmitiques, des acides gras qu'on trouve notamment dans l'huile de palme et l'huile de coco, très utilisées dans l'alimentation industrielle, avant de les injecter aux souris. 100% d'entre elles ont alors développé des métastases.
Grâce à plusieurs anticorps, les chercheurs ont enfin bloqué l’activité de la protéine CD36 chez ces souris. Ceci aurait très sensiblement réduit la capacité à développer des cellules à métastaser. Chez les souris qui avaient déjà développé des métastases lymphatiques, la taille des ganglions aurait en outre été réduite de l'ordre de 80 à 90% tandis que 15% ont affiché une rémission complète.
"Bien que nous n’ayons pas encore montré cela dans tous les types de tumeurs, nous pouvons affirmer que [la présence du récepteur de CD36 à la surface des cellules] est un marqueur spécifique des cellules métastatiques", souligne le Dr Salvador Aznar Benitah, de Barcelone.
Les experts prudents face à ces résultats
Interrogé par l'AFP, le Dr Aznar Benitah, coordinateur de ces travaux, a précisé qu'il travaillait avec une société britannique pour développer des médicaments spécifiques et qu'il espérait pouvoir les tester chez l'homme "d'ici 4 à 10 ans". En attendant, il recommande aux malades de réduire la consommation d'acides gras saturés et notamment d'acide palmitique. Mais l'étude a été accueillie avec prudence par plusieurs experts, jugeant de telles conclusions quelque peu prématurées. Selon le Dr Emma Smith, de l'Institut britannique de recherche sur le cancer, il n'y a "pas de preuve" à ce stade que "l'adoption d'un régime excluant certaines graisses puisse ralentir la propagation du cancer chez l'homme".
Le Pr Lawrence Young, de l'Université de Warwick, juge pour sa part que ces nouveaux travaux mettent l'accent "sur un nouveau mécanisme susceptible de jouer un rôle dans la propagation du cancer et de déboucher sur une intervention thérapeutique".
Source : Targeting metastasis-initiating cells through the fatty acid receptor CD36. G. Pascual et al. Nature, 7 dec. 2016. doi:10.1038/nature20791
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