Le crowdfunding : un coup de pouce pour la recherche ?
C'est le fruit de dix ans de recherche. Le Dr Martine Jandrot Perrus et son équipe du laboratoire de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à l'hôpital Bichat, à Paris, ont mis au point une molécule. Elle représente un espoir pour le traitement de l'accident vasculaire cérébral (AVC).
Cette molécule agit directement sur le caillot sanguin qui bloque l'apport de sang au cerveau en cas d'AVC. "L'application pourrait limiter la croissance d'un caillot dans les artères cérébrales lorsque les patients ont un AVC et prévenir également la récidive avec la formation d'un nouveau caillot", explique le Dr Martine Jandrot-Perrus, chercheur et spécialiste des thromboses.
L'aboutissement de dix ans de recherche
Ce potentiel médicament a été obtenu après de longues années de recherche académique. Les scientifiques sont passés par plusieurs étapes essentielles : identifier la cible, puis le candidat-médicament et enfin montrer que le traitement fonctionne in vitro, puis sur l'animal.
"Arrivés à ce stade-là, au niveau de la recherche académique, on ne pouvait plus rien faire. Nous pensions avec mes collaborateurs qu'il était important de développer ce candidat médicament. Il était nécessaire de passer à l'étape suivante qui est la création d'une start-up", précise le Dr Martine Jandrot-Perrus. Il s'agissait donc de créer une société privée dont les scientifiques sont actionnaires, car la première série de tests coûtait 500.000 euros, et l'Inserm ne pouvait plus financer. Les chercheurs ont ainsi lancé une campagne de financement participatif via Internet, c'est ce qu'on appelle le crowdfunding, c'est-à-dire qu'ils ont ouvert le capital de leur start-up au grand public. Résultat : plus de 545.000 euros dans leur cagnotte.
"Cette somme nous a permis pendant un an de faire une avancée très importante pour notre projet dans ce domaine d'activité, qui n'est pas un domaine aujourd'hui très prisé par les investisseurs et par l'industrie pharmaceutique, en raison du nombre d'échecs très importants dans ce domaine", explique Gilles Avenard, président d'Acticor Biotech.
Le recours de plus en plus important au financement participatif
Le secteur de la santé prend de plus en plus d'ampleur dans le financement participatif. Pour le premier semestre 2015, 17% des projets financés par le crowdfunding concernent la santé. Un constat partagé par ceux qui conseillent les sociétés de biotechnologies sur leur financement.
Miranda Delmotte, chargée d'affaires au Génopole, gère ainsi quinze portefeuilles de sociétés de biotechnologies. Parmi elles, trois ont déjà eu recours au crowdfunding. "Il faut d’abord que le sujet soit très compréhensible du grand public, qu’il apporte rapidement une technologie sur le marché. Il faut que le potentiel investisseur puisse identifier un coup de cœur pour tel ou tel sujet", détaille-t-elle.
Les limites déontologiques
Le financement participatif est-il l'avenir de la recherche ? En 2013, le Comité de déontologie et d'éthique de l'Institut de Recherche et de Développement (IRD) émet des reserves :
"Les dispositifs actuels de financement de la recherche sont fondés sur l'avis des pairs (...) qui se prononcent sur la pertinence scientifique de la recherche et sa faisabilité avant d'attribuer un financement. Le crowdfunding (...) ne permet pas cette régulation".
Il faut aussi préserver le principe de liberté de la recherche. "Le seul risque est que les recherches financées soient les plus populaires et que ça arrive à contraindre les chercheurs à n’aller que sur les directions que souhaite le grand public. Or souvent, les recherches les plus fécondes sont inattendues", précise Jean-Gabriel Ganascia, membre du Comité d'éthique du CNRS.
Face aux difficultés des chercheurs pour trouver des financements publics, le crowdfunding pourrait à l'avenir prendre une part de plus en plus importante dans la recherche médicale.
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