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Un patient aveugle recouvre partiellement la vue : "On a ouvert des pages d'espoirs", explique le professeur José-Alain Sahel 

Les chercheurs franco-américains de l'Institut de la vision espèrent aider de nombreux autres patients grâce aux techniques de biothérapie utilisées.

Article rédigé par franceinfo
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Les chercheurs de l'Institut de la vision à Paris ont travaillé pendant une douzaine d'années sur ce projet. (GARO / PHANIE)

Un patient aveugle a en partie retrouvé la vue grâce à l'injection d'un virus génétiquement modifié dans son œil droit, une technique associant thérapie génique et stimulation lumineuse.

"On a ouvert des pages d'espoir pour lui et d'autres patients", a expliqué mardi sur franceinfo le professeur José-Alain Sahel, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire FOReSIGHT, Institut de la vision à Paris, à la tête d'une équipe franco-américaine à l'origine de cette première médicale mondiale.

franceinfo : Est-ce que vous êtes heureux de voir vos recherches se concrétiser ?

José-Alain Sahel : Oui bien sûr. Cela représente le travail de beaucoup de gens depuis une douzaine d'années. Cela représente surtout un investissement des patients à nos côtés, et en particulier de ce patient, dans toutes les phases de réhabilitation pour aboutir à des premiers éléments de restauration visuelle. C'est surtout un travail d'équipe puisqu'il y a des gens qui travaillent sur la partie thérapie génique, sur ce qu'on appelle les biothérapies, d'autres qui travaillent sur les systèmes de stimulation optique, l'ingénierie. Et puis il y a tous les rééducateurs. C'est donc tout un ensemble de gens qui doivent se mettre ensemble autour du patient pour aboutir à ce genre d'avancées. Cela représente des années de travail.

Vous espériez ce genre de résultats ?

Oui, sinon on ne commencerait jamais ce genre de projet si on n'avait pas l'espoir de le voir aboutir. Il y avait une forte rationalité scientifique sur la base de la découverte de cette protéine et surtout le fait qu'il restait dans la rétine des cellules qu'on peut stimuler, même si elles étaient à ce stade incapables de répondre à la lumière. Donc, il y avait une logique à ça. Il fallait le démontrer. On l'avait démontré en préclinique chez l'animal. Après, il fallait pouvoir le démontrer chez l'homme.

"Je pense qu'on a ouvert des pages d'espoir pour lui et d'autres patients."

José-Alain Sahel

à franceinfo

Comment avez-vous réagi quand cet homme vous a dit qu'il pouvait apercevoir des choses ?

C'était assez long. Le patient a été traité il y a plus de deux ans. Pendant la première année, il fallait le temps que la protéine s'exprime. Ensuite, il fallait le temps d'ajustement du système optique, puis de la rééducation. Ensuite il y a eu le Covid tout de suite après l'annonce par le patient des premiers résultats visuels. C'était une grande émotion. Et après, il y avait tout un travail d'amélioration qui a été en partie rendu difficile par le Covid, mais qui a quand même été mené grâce à l'équipe et au patient.

Comment avez-vous réalisé ces tests de vision chez ce patient ? Qu'est-ce qu'il a vu en premier ?

On a une équipe à l'Institut de la vision qui teste la vision en vie réelle, ce qu'on appelle la vision fonctionnelle. Elle réalise avec les patients des tâches de la vie quotidienne, reconnaître des objets, attraper des objets, s'orienter. Et le patient a appris à utiliser des lunettes. Et il a rapporté spontanément qu'il était capable de voir les passages piétons, pouvoir compter les bandes dans certaines conditions d'éclairage. Cela a réactivé toute la rééducation.

Vous lui avez changé la vie...

Je ne sais pas. C'est à lui de le dire. Je pense qu'on a ouvert des pages d'espoir pour lui et d'autres patients. Je pense que c'est encore loin d'une vision normale. Mais par rapport à ne rien voir, c'est une étape très importante.

Est-ce que tous les aveugles et malvoyants pourraient être concernés ?

Pour l'instant, ça concerne des gens qui n'ont plus de vision, parce ce que ce que nous arrivons à leur rendre, c'est encore limité. Ce que nous espérons, c'est que ça pourrait concerner des patients à des stades plus précoces de la maladie. Mais il y a d'autres approches qui peuvent s'adresser aux états plus précoces. Toutes les pathologies où la rétine est touchée, mais où le nerf optique est encore fonctionnel, potentiellement, pourraient être concernées à terme. Mais évidemment, il faut le démontrer.

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