Le paquet de cigarettes neutre est-il une initiative fumeuse ?
Cette mesure, que la ministre de la Santé Marisol Touraine s'apprête à annoncer, est censée lutter contre le tabagisme chez les jeunes.
Tous les mêmes. Emballages avec la même couleur, noms de marques aux caractères identiques, et adieu aux logos et autres éléments personnalisés... Bienvenue aux paquets neutres, qui pourraient faire prochainement leur apparition chez les buralistes. Marisol Touraine, ministre de la Santé, s'apprêterait à annoncer cette mesure le 17 juin, dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé.
La France serait ainsi le troisième pays au monde à adopter ces paquets neutres. L'Australie les avait généralisés en premier en décembre 2012, comme le rappelle Le Monde. Et en Grande-Bretagne, le secrétaire d'Etat à la Santé a annoncé en avril l'adoption de cette mesure pour 2015, rapporte Le Figaro.
Francetv info se penche sur l'efficacité de ce dispositif censé lutter contre le tabagisme chez les jeunes.
Non, le marketing joue un rôle important
Imposer un paquet neutre est réclamé depuis longtemps par les associations de lutte contre le tabac. "L'idée est de faire en sorte que les jeunes ne rentrent pas dans le tabagisme, explique Yves Martinet, du Conseil national contre le tabagisme (CNCT), joint par francetv info. "Si l'industrie du tabac dépense des millions dans le marketing, ce n'est pas pour rien. Nous voulons réaliser du contre-marketing pour casser l'attractivité du tabac."
Une étude, menée par l’University College de Londres (en anglais) en 2010, montre que les adolescents sont attirés par des paquets personnalisés. Elle estime que la consommation de certains produits par des adolescents augmente grâce la publicité et le marketing. Autre population ciblée : les femmes. L'étude anglaise publie un extrait d'un rapport du cigarettier Philip Morris en 1992. On peut y lire que les femmes seraient particulièrement sensibles "à l'esthétique des paquets". Selon Philip Morris, "un emballage plus féminin peut améliorer l'attractivité de la marque".
David Hammond, professeur en santé publique à l'université Waterloo d'Ontario (Canada), a conduit une expérimentation (en anglais) en 2010 auprès de jeunes femmes américaines âgées de 18 à 19 ans. Selon les résultats de son étude, les fumeuses préfèrent un paquet personnalisé. Elles estiment que le tabac est moins "nocif" que dans un emballage neutre. Elles vont donc être incitées à en acheter davantage.
Non, si cela s'accompagne d'autres mesures
L'étude menée par l’University College de Londres conclut que les paquets neutres ne permettent pas, à eux seuls, de faire baisser la consommation de tabac. Cette disposition doit faire partie d'un arsenal de mesures de lutte contre le tabagisme. D'autres pays ont d'ailleurs pris en la matière des dispositions plus radicales comme une hausse sensible du prix du paquet (jusqu'à 20 euros en Australie) ou encore la généralisation des lieux où il est interdit de fumer.
Pour la Confédération des buralistes, le combat est ailleurs. "C'est la lutte contre le marché parallèle qui fera baisser le tabagisme", juge Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes de France, contacté par francetv info. Un argument qui n'est pas partagé par Yves Martinet, qui estime de son côté que la contrebande est "un problème mineur".
Ni oui, ni non, il faut juger sur le long terme
Pour l'heure, l'effet n'est pas mesurable. Une étude réalisée en Australie en novembre 2012, alors que les fumeurs avaient encore le choix entre paquets neutres et classiques, a révélé que les emballages dépourvus de logos étaient jugés moins attractifs par les consommateurs interrogés, relate le Figaro. Par ailleurs, ceux qui achetaient de paquets neutres étaient plus nombreux à vouloir arrêter de fumer que les adeptes des emballages classiques. Néanmoins, "il est trop tôt pour se prononcer sur l'expérience australienne, les effets sont à étudier sur le long terme", juge le professeur Yves Martinet.
Les défenseurs de l'industrie du tabac ne veulent pas entendre parler de cette mesure. Ils affirment que les résultats obtenus ne sont pas probants. "Si on prend l'exemple de l'Australie, il y a eu une hausse de la contrefaçon et le nombre de fumeurs a augmenté de 0,3%", avance Pascal Montredon.
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