Recul des achats d'alcool : "Il y a un tabou français, on parle de consommation globale mais pas du nombre de malades touchés"
Michel Lejoyeux, médecin addictologue, a réagi à une enquête des producteurs d'alcool sur la consommation des Français. Il a notamment regretté l'absence de données sur le "binge drinking".
Les Français ont acheté 70,7 litres d’alcool par foyer l’année dernière, le recul le plus important depuis 10 ans, selon une étude de l'association d'industriels Avec modération ! publiée jeudi 24 août.
Michel Lejoyeux, médecin addictologue, a regretté que "pour un problème de santé aussi grave, on [ait] des chiffres qui viennent des producteurs d’alcool". S'il reconnaît que l''"on boit habituellement de moins en moins d'alcool en France", "l’alcool reste un des sujets majeurs en termes d’impact sur la santé" a-t-il rappelé.
franceinfo : constatez-vous, vous aussi, une accélération de la baisse de la consommation d’alcool en France ?
Michel Lejoyeux : On boit habituellement de moins en moins d’alcool en France et ce n’est plus l’additif de tous nos repas comme c’était le cas à la génération de nos parents. Mais il y a dans ces statistiques deux manques majeurs : il n’y a pas de données sur les alcoolisations aigües –ce qu’on appelle le binge drinking – et sur la fréquence des gens en souffrance par rapport à l’alcool. Il y a un côté extrêmement lénifiant dans ces statistiques qui consisterait à dire qu’il n’y a plus de problème avec l’alcool. Il y a un tabou français, on parle de consommation globale mais pas du nombre de malades touchés.
Un tiers des hospitalisations, un tiers de cancers et un tiers des maladies en France sont liés à l’alcool.
Michel Lejoyeux, médecin addictologueà franceinfo
Pour un problème de santé aussi grave, on a des chiffres qui viennent des producteurs d’alcool. C’est comme si, pour la dépendance à la cocaïne, on avait des chiffres venant des producteurs de cocaïne. C’est quand même impressionnant que pour la principale cause d’addiction en France, on n'ait que ces données venant des producteurs d’alcool.
N’avez-vous pas accès à des statistiques médicales ?
Non, je n'ai pas accès à des données plus neutres. Pourtant, les professionnels du soin réclament des données sur la fréquence pour savoir combien de personnes sont malades de l’alcool. Ce serait vraiment important que nous puissions mettre en parallèle ces taux de consommation globale, car il faut savoir que l’alcool reste un des sujets majeurs en termes d’impact sur la santé en France. C’est la banalisation du problème.
L’image de l’alcoolisation a-t-il changé, et l’alcool est-il toujours à la mode ?
Malheureusement oui, on continue à être un bon vivant, un jeune qui s’amuse, qui fait la fête, quand on est dans une situation d’ivresse. Tout contribue à ce que ce problème majeur soit traité soit par ceux qui produisent l’alcool, soit sur un mode un peu léger. Au fond l’alcool, ce serait sympa, convivial, et puis on en boirait de moins en moins. Alors que nous, ce que nous voyons, ce sont des overdoses à l’alcool, des comas chez certains jeunes qui vont consommer trop d’alcool. Cela reste des situations de dépendance chez l’adulte. Le sujet est tout sauf léger en termes de santé publique.
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