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Reportage "On les voit arriver de plus en plus jeunes avec des familles dévastées" : face aux fusillades à Marseille, les hôpitaux se forment à la médecine de guerre

Les règlements de comptes, très souvent liés aux trafics de drogue, se multiplient depuis le début de l'année. Dans le service réanimation de l'Hôpital Nord, les blessés par balles sont désormais monnaie courante.
Article rédigé par franceinfo - Hugo Charpentier
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Temps de lecture : 2min
Les blessés par balle affluent depuis le début de l'année à l'Hôpital Nord de Marseille. (Christophe Van Veen / France Bleu Provence)

Au service de réanimation de l'Hôpital Nord de Marseille, il y a 15 lits, la plupart occupés par des blessés par balles. "Nous en avons tout le temps. Aujourd'hui, nous en avons quatre", souligne le professeur Marc Leone, chef du service, vingt ans d'expérience dans le service hospitalier. "Les plaies par arme à feu augmentent indéniablement. On reçoit à peu près 20 à 25 patients par an, mais là, on en a déjà eu 28 patients en 2023". Depuis le début de l'année, les fusillades sur fond de trafic de drogues se multiplient en effet dans la cité phocéenne. 

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Ces blessures sont très "profondes avec des trajets de balles qui sont imprévisibles puisque les balles changent de trajectoire au contact des différents tissus". Lors de chaque arrivée d'un blessé, les soignants travaillent d'abord à identifier les organes touchés. Une manière de fonctionner qui se rapproche de la médecine de guerre : "Nous avons beaucoup de collègues de l'armée, déjà intervenus en zone de guerre, qui nous ont rapporté leurs expériences", explique Marc Leone.

Des blessés toujours plus jeunes

Dans le service de réanimation, le passé des victimes est mis de côté. "On soigne les gens, tous les gens de façon égale, quel que soit ce qui s'est passé, souligne le professeur. Finalement, l'histoire avant l'admission dans cette réanimation ne nous concerne pas." Mais les visages des blessés ne trompent pas : les blessés sont de plus en plus jeunes avec parfois des adolescents.

"On a eu 16 ans, 15 ans", soupire le docteur Gary Duclos. Cette réalité pèse sur le moral du personnel de santé. "On essaye de garder les émotions en dehors des portes de la réanimation", assure Amandine Abelaud, responsable infirmière. Avant de glisser : "C'est vrai qu'on les voit arriver de plus en plus jeunes avec des familles dévastées. C'est une prise en charge qui est assez complexe parce qu'on craint pour notre sécurité aussi. Malheureusement, c'est sûr que c'est dramatique ce qui se passe, c'est désespérant parce que, comme je le disais, ils sont terriblement jeunes et insouciants."

Ces jeunes sont aussi déterminés : "On a parfois des discours de jeune homme qui disent attendre de sortir pour se venger. On essaye de les raisonner, mais c'est compliqué, c'est sans fin." Ces jeunes sont donc parfois sauvés par ses soignants, mais ces jeunes très vite remplacés par d'autres victimes.

A l'Hôpital Nord de Marseille, les blessés par balle affluent depuis le début de l'année.

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