: Reportage Les tentatives de suicide en hausse chez les ados : "On ne peut pas dire qu'actuellement, on présente un monde très enthousiasmant"
Depuis deux ans, le nombre de tentatives de suicide a augmenté chez les jeunes de 11 à 14 ans. franceinfo s'est rendue dans une structure parisienne qui reçoit en urgence des patients adolescents.
Ce reportage, diffusé le 23 mai 2022 dans le podcast Le Quart d'Heure, a reçu le Prix Varenne dans la catégorie "Jeunes journalistes".
Comment faire face au mal-être des adolescents ? Depuis la crise sanitaire, la santé mentale des jeunes s'est dégradée. Selon Santé Publique France, chez les 11-17 ans, il y a deux fois plus de passage aux urgences pour tentative de suicide qu'avant le Covid. Pourtant, les moyens en pédopsychiatrie n'ont pas augmenté.
Face à ce constat, certains structures se mobilisent, comme l'Accueil temporaire rapide des ados parisiens (Atrap) qui s'occupe d'une vingtaine de jeunes en leur proposant des consultations psychiatriques en urgence. Comme un clin d'œil, pour y accéder, il faut passer par la bien-nommée Rue du Repos. On se retrouve alors devant un bâtiment complètement anonyme, partagé avec des bureaux.
A l'étage, l'équipe de l'Atrap - 100% féminine -, composée de pédopsychiatres, éducatrices et infirmières, sont en train de faire le point sur le planning chargé des rendez-vous de l'après-midi. Et la liste est longue : ici, on accueille 15 à 25 adolescents. Tout dépend des périodes et de la gravité des situations. Mais tous ces jeunes ont des points communs : près de la moitié d'entre eux ont fait une tentative de suicide. Et tous ont été envoyés principalement par des services d'urgence pédiatrique. C'est le cas, par exemple, la première patiente de l'après-midi, Luna, 14 ans.
"On m'a amenée ici pour essayer de régler un peu tout ça", raconte-t-elle. "J'ai envie de me sentir mieux pour pouvoir me dire : OK, je vais pouvoir être indépendante un jour, je vais pouvoir être responsable de moi-même", confie l'adolescente. "Faut pas se mettre dans la tête que les psychiatres ou tes parents vont te sauver, poursuit Luna, c'est un travail que tu fais avec toi-même et avec de l'aide des gens de l'extérieur."
Davantage de filles accueillies
L'équipe de pédopsychiatres, d'infirmières et d'éducatrices reçoit 90% de filles. "De manière très caricaturale, explique Isabelle Sabbah Lim, cheffe de service, on pourrait dire que les jeunes filles, quand elles vont mal, elles expriment leur mal-être en se faisant du mal. Les garçons vont plus être dans des troubles externalisés, des troubles du comportements, indique la psychiatre. Et les parents ne vont pas forcément penser à amener aux urgences psychiatriques un jeune qui consomme des toxiques, ou qui conduit sans casque en scooter, complètement bourré. Alors que très probablement, il y a la même souffrance et le même mal-être."
Depuis la création de l'Atrap, il y a un an, le téléphone n'arrête pas de sonner. Les lits manquent en pédopsychiatrie et les tentatives de suicides augmentent chez les adolescents. Ce phénomène peut s'expliquer en partie par la crise sanitaire mais pas seulement. "L'adolescent c'est un peu comme un poisson dans un aquarium, compare Isabelle Sabbah Lim. Dans l'aquarium il y a la scolarité, il y a les parents, il y a l'environnement." "Quand vous écoutez les infos, on ne peut pas dire qu'actuellement on présente un monde apaisé, très enthousiasmant. Et on sait très bien comment les enfants et les adolescents sont sensibles à ce climat."
Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. Vous pouvez appeler le 3114. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.
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