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Notre-Dame : "L'intoxication au plomb est grave pour tout le monde"

Des tonnes de poussière de plomb sont disséminées dans l’air depuis l’incendie de Notre-Dame, le 15 avril dernier. De nouveaux relevés de contamination sont attendus aujourd’hui. Quels sont les risques sanitaires de cette pollution ?
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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Temps de lecture : 5min
Des tonnes de poussière de plomb ont été disséminées dans l'air lors de l'incendie (© Fotolia)

La flèche de Notre-Dame s’est écroulée, la charpente et la toiture de la cathédrale ont brûlé... c'était pendant la soirée du 15 avril. Des tonnes de plomb, un métal extrêmement toxique pour l’homme, ont été réduits en poussière. Ces particules se sont envolées pour retomber dans le quartier et ses environs.

L’inquiétude des riverains mais aussi des ouvriers du chantier de reconstruction perdure. Ce mardi 6 août, de nouveaux relevés mesurant la contamination au plomb autour de l’édifice sont attendus. 

Quels sont les risques d’une exposition à la poussière de plomb pour notre santé ? Dr Mady Denantes, médecin généraliste et ancienne responsable de la mission saturnisme à Médecins du Monde, répond aux questions d'Allodocteurs.fr

  • Quelles sont les répercussions d'une exposition au plomb sur notre organisme ?

Dr Mady Denantes : "Tant qu’il y a de la poussière de plomb, c’est dangereux. C’est un puissant toxique. La plombémie (ndrl : présence de plomb dans le sang) idéale s’élève à zéro. Ce métal a des répercussions sur tout le corps humain : le système cérébral, cardiovasculaire, digestif, ou reproductif, et même à petites doses. Pourtant il n’y a aucun signe spécifique laissant penser à une intoxication. Lors d’une intoxication aïgue, mais j’espère que l’on n’en arrivera pas là, on observe des coliques de plombs, une anémie, puis des encéphalopathies."

  • Quelles sont les personnes à risque et pourquoi insiste-t-on sur la protection des enfants ?

Dr Mady Denantes : "L’intoxication au plomb est grave pour tout le monde, mais elle touche particulièrement les enfants, les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer. Je me demande d’ailleurs pourquoi les collèges et les lycées à proximité de la cathédrale ne sont pas surveillés, comme c'est le cas pour les crèches et les écoles, car le plomb ça n’est bon pour personne... Les enfants sont particulièrement à protéger puisqu’ils mettent tout à la bouche. Ils peuvent facilement avaler du plomb si de la poussière est présente sur le sol. De plus, leur tube digestif absorbe plus le plomb que celui des adultes. Enfin, après une intoxication au plomb, même à petites doses, les enfants peuvent développer des troubles cognitifs et du comportement difficiles à reconnaître. Une fois inhalé, le plomb se stocke dans les os. Cette pollution va donc toucher la génération qui n’existe pas encore. Les jeunes filles aujourd’hui intoxiquées, risquent liosqu'elles seront enceintes de contaminer le foetus via la barrière plancetaire".

  • Quelles mesures sanitaires faut-il prendre autour de Notre-Dame ?

Dr Mady Denantes : "L’idéal c’est qu’il n’y ait aucune poussière de plomb dans l’atmosphère, donc la mise sous cloche serait une bonne idée. J’espère que les mesures de dépollution entamées sont suffisamment efficaces. En tout cas, il faut absolument surveiller les enfants, les ouvriers qui travaillent sur le chantier, les personnes vulnérables mais aussi les pompiers qui ont dû respirer énormément de poussière lors de l’incendie. La réalisation de dosages du plomb dans les poussières est nécessaire. Si on on en trouve en quantité importante il faut réaliser des analyses sanguines pour déterminer le taux de plomb dans le sang chez les personnes directement exposées. Dans ce cas, il faut mettre à l’abri les personnes vulnérables puis procéder au nettoyage. Mais attention, sans balais ni aspirateur. Il faut fixer le plomb avec une lingette puis la jeter, car ce métal lourd ne disparaît jamais..."

  • Faut-il des mesures spécifiques pour les personnes travaillant sur le chantier ?

Dr Mady Denantes : "Sur le parvis, les taux de plomb étaient très importants. La médecine du travail doit absolument surveiller les ouvriers. Il faudrait d’ailleurs qu’ils soient sous scaphandre ! Ces travailleurs peuvent appliquer quelques consignes : ne pas boire, ne pas fumer, ne pas manger sur le chantier. Avant de manger, ils doivent se laver les mains et le visage. À la fin de la journée, leurs entreprises doivent leur permettre de prendre une douche. Enfin, ces ouvriers doivent impérativement changer d’habits avant de rentrer chez eux."

  • Avec ce nuage de plomb, faisons-nous face à une crise sanitaire inédite en France ?

Dr Mady Denantes : "C’est grave ce qu’il se passe à Notre-Dame, mais la pollution au plomb est une vieille histoire. Nous avons déjà vécu plusieurs crises sanitaires à cause de ce métal. Il y a eu les peintures au plomb interdites en 1949, les tuyaux de plomb interdits en 2010 mais surtout l’essence au plomb interdite en 2000. Ce n’est pas la peine de faire paniquer les riverains car toutes les générations nées avant 2000 ont été intoxiquées à cause de cette essence. On a désormais assez de connaissances sur les risques encourus après une exposition aux poussières de plomb pour protéger les travailleurs mais aussi les enfants. Arrêtons aussi de leur donner du Smecta, un médicament qui contient aussi du plomb."

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