Très grand prématuré au Japon : 3 questions au Pr Picaud, chef de service de néonatologie
L’annonce a fait grand bruit : au Japon, un bébé né à 22 semaines de grossesse (24 semaines d’aménorrhée) avec un poids de 268 grammes est sorti de l’hôpital cinq mois plus tard, en bonne santé. Le professeur Jean-Charles Picaud, chef du service de néonatologie et de réanimation néonatale à l’Hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, répond à nos questions sur cette histoire étonnante.
Allodocteurs.fr : La prise en charge d’un bébé très grand prématuré de 268 grammes né à 24 semaines d’aménorrhée constituerait-elle un scénario envisageable en France ?
Pr Jean-Charles Picaud : Il faut garder à l’esprit que les contextes français et japonais sont très différents. Ethiquement, déjà, les médecins japonais optent quasiment toujours pour une réanimation. En France, cela se décide au cas par cas. Pour réagir de façon pertinente, on individualise la situation de chaque bébé prématuré en fonction de son poids, de son évolution, du fait qu’il respire de façon autonome ou non, de la présence ou non d’un arrêt de croissance, du contexte de sa naissance… A partir de 25 semaines d’aménorrhée on ne discute plus mais avant, c’est la loi du tout ou rien.
Ensuite, le Japon est un pays très riche qui peut bénéficier d’un soin au "un pour un" : une infirmière ou un médecin pour un bébé, ce qui autorise de très bons résultats. Les compétences du Japon dans ce domaine sont réputées dans le monde entier. En France, nous n’avons en général qu’une infirmière pour deux bébés en réanimation, puis une pour trois en soins intensifs et enfin une pour six en pédiatrie néonatale.
Allodocteurs.fr : Les taux de survie des très grands prématurés varient donc selon les pays ?
Pr Jean-Charles Picaud : Tout à fait. Par exemple, en 2005, les chiffres estimaient que la survie des très grands prématurés nés à 24 semaines d’aménorrhée au Japon était de 77%. Elles n’est que de 31% en France, 55% aux États-Unis et 67% en Suède, qui a le meilleur résultat d’Europe. A l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, nous avons un taux de survie d’environ 52%.
Allodocteurs.fr : Les médecins japonais insistent bien sur le fait que cette nouvelle est d’autant plus impressionnante qu’il s’agit d’un garçon. Pourquoi préciser le sexe du bébé a ici son importance ?
Pr Jean-Charles Picaud : Les prématurées filles sont légèrement avantagées en terme de survie par rapport aux garçons. Elles bénéficient en général des taux de survie des garçons nés avec une ou deux semaines de plus qu’elles. La raison de cette différence n’est pas encore élucidée, mais on soupçonne des causes hormonales. De même, on a observé que les bébés prématurés d’origine africaine présentaient de meilleurs taux de survie.
Mais il faut bien différencier les données de survie d’une population de celles d’un individu : ainsi, si à un âge donné, les bébés ont un taux de survie de 50%, le taux des bébés filles se situera vers 60% et celui des bébés garçons vers 40%. Mais le sexe ou l’origine ethnique n’entrera pas pour autant en compte s’il faut décider de suspendre ou non la réanimation d'un bébé prématuré.
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