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"On n'est même pas au niveau de la rustine" : des soignants peu convaincus par les annonces d'Emmanuel Macron pour l'hôpital

Pour les uns, "on en est au niveau d'un Tetris de la pauvreté", pour les autres, le discours est "ambitieux" et "pose le bon diagnostic" mais "il faut être vigilant". Ces trois soignants attendent surtout des actes pour sauver l'hôpital public.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le Pr Jean-Luc Jouve et Emmanuel Macron lors d'une visite du président à l'hôpital La Timone à Marseille, le 2 septembre 2021. (LUDOVIC MARIN / POOL)

"On n'est même pas au niveau de la rustine", a réagi vendredi 6 janvier sur franceinfo le professeur Jean-Luc Jouve, chirurgien-pédiatre à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille après les annonces d'Emmanuel Macron pour répondre à la crise de l'hôpital. Le président de la République propose notamment de nommer à la tête des hôpitaux un tandem médecin-administratif. "C'est une bonne idée, mais c'est une idée qui fonctionne dans beaucoup d'hôpitaux et qui ne va pas permettre de gérer les problèmes structurels de l'hôpital", a-t-il expliqué.

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"On n'est même pas au niveau de la rustine. On en est au niveau d'un Tetris de la pauvreté", a critiqué le professeur. Jean-Luc Jouve regrette qu'il n'y ait pas "des annonces d'une grande revalorisation de l'hôpital, d'une grande ouverture d'offre de formation et d'une réorganisation" avec la création de "crèches" et des "parkings" pour accueillir le personnel soignant.

Selon lui, le message du président de la République est clair : "On ne nous annonce même pas comme au Ségur, des enveloppes financières qui vont nous permettre de nous renflouer ou d'améliorer le quotidien de chacun. On est dans des annonces où on nous dit 'débrouillez-vous en vous réorganisant avec ce que vous avez", estime-t-il. Au regard de "l'extrême urgence" de la situation, "la réponse n'est pas à la hauteur", dit-il.

"Ce qu'on attend maintenant, ce sont des actes"

Agnès Ricard Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d'urgence, a salué sur franceinfo des "annonces qui vont dans le bon sens", mais "beaucoup de solutions qui sont proposées" par Emmanuel Macron "étaient déjà dans le pacte de refondation des urgences de 2019". Selon elle, "ça tarde à se mettre en place. Ce qu'on attend maintenant, ce sont des actes", a-t-elle affirmé.

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Parmi les annonces du chef de l'Etat pour répondre à la crise de l'hôpital, elle pointe celle de revaloriser les médecins qui participent la permanence des soins. "Il y a une urgence absolue aujourd'hui à valoriser bien sûr les professionnels qui participent à la permanence de soins, mais dès maintenant ! Or, aujourd'hui, il y a des discussions qui sont bloquées au niveau du ministère sur cette valorisation de la permanence de soins", a-t-elle indiqué. "L'urgence absolue, c'est de garder nos soignants et garder les médecins qui sont en poste", a-t-elle ajouté.

"Attention à ne pas désorganiser l'hôpital"

"Les principales mesures qui ont été annoncées sont à saluer, mais il y a certaines où il faut être vigilant", a réagi sur franceinfo Arnaud Robinet, maire Horizons de Reims et président de la Fédération hospitalière de France. Selon lui, "on a entendu un discours ambitieux qui peut être aussi qualifié de précis, qui pose le bon diagnostic". Il se dit satisfait qu'il y ait "beaucoup de propositions formulées qui ont été proposées par la FHF", notamment au sujet des assistants médicaux. Emmanuel Macron souhaite que le nombre d’assistants médicaux passe de 4 000, aujourd'hui, à 10 000 d’ici à la fin de l’année prochaine.

Le maire de Reims est d'accord sur une réforme des 35 heures en milieu hospitalier, mais "attention à ne pas le faire à marches forcées, à ne pas désorganiser l'hôpital", met-il en garde. Selon lui, "il va falloir de l'échange, du dialogue avec l'ensemble des partenaires sociaux mais également avec les soignants eux-mêmes", a-t-il ajouté.

Autre point de vigilance pour le président de la FHF, la gouvernance par un tandem administratif/médical proposé par Emmanuel Macron. D'abord, "c'est déjà le cas, très largement", dit-il, mais "au final, il faudra quand même un décideur au sein de l'établissement de santé en terme de responsabilité pénale, d'arbitrage. Il faut vraiment trouver l'équilibre", souligne-t-il.

"Vous pouvez réorganiser dix fois le manque, à la fin, vous avez du manque"

Le collectif Santé en danger par la voix de son président Arnaud Chiche, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital d'Hénin-Beaumont, a salué sur franceinfo certaines mesures annoncées par le chef de l'Etat. "Quand il dit qu'il faut sortir de la tarification à l'activité, quand il dit qu'il faut revenir à une échelle de service pour le bien-être du personnel, c'est bien. Quand il parle d'un parc de logements pour le personnel des grandes villes qui a du mal à avoir accès au logement, c'est très bien."

Mais pour le collectif, Emmanuel Macron n'a pas réglé le gros problème des hôpitaux : le manque de personnel. "Vous pouvez réorganiser dix fois le manque, à la fin, vous avez du manque, soutient Arnaud Chiche. Réorganisez le néant, à la fin, vous avez du néant. Ça ne sert à rien d'essayer de dire qu'on peut réorganiser du dégradé, des réorganisations il y en a eu trois. Il manque des infirmières dans ce pays, il manque des médecins."

Pour l'anesthésiste-réanimateur, regrette le Président est resté sourd aux revendications des médecins généralistes en grève depuis un mois. L'arrivée d'assistants médicaux pour soulager les médecins de la charge administrative ne règle pas le problème pour le président du collectif Santé en danger. "Quand vous dites aux médecins généralistes "on ne va pas toucher à la revalorisation de vos actes" et "ne vous inquiétez pas, on a prévu des gens pour vous soulager sur le plan administratif, mais c'est vous qui les paierez", comprenez qu'en face, cela soit mal reçu. Quand on vous dit qu'on manque de médecins généralistes, il faut aller former ces médecins-là. Or, on est en train de dire aux médecins généralistes "ne vous inquiétez pas, ce que vous faisiez avant, d'autres le feront".

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