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Médecine : les femmes sont "60% à accéder en deuxième année, mais on ne retrouve que 15% à 20% de professeures femmes"

La professeure Laurence Bouillet, chef de service de l'unité de médecine interne au CHU de Grenoble, a co-signé une tribune publiée vendredi dans "Le Monde" pour réclamer un état des lieux sur la place des femmes dans les carrières hospitalo-universitaires.

Article rédigé par franceinfo
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Les femmes médecins ont dû mal à s'imposer aux postes à responsabilité (Photo illustration, le 9 juillet 2018). (G?RARD HOUIN / MAXPPP)

"Au début de ma carrière, je n'étais pas pour la parité, car on veut être nommée pour nos qualités, pas parce que l'on est une femme. Mais malheureusement, plus le temps passe, plus je constate qu'on doit passer par ce stade-là", constate vendredi 28 décembre sur franceinfo la professeure Laurence Bouillet, chef de service de l'unité de médecine interne au CHU de Grenoble, signataire d'une tribune publiée dans Le Monde réclamant un état des lieux sur la place des femmes dans les carrières hospitalo-universitaires.

franceinfo : Il y a un plafond de verre pour les femmes aux postes de direction dans le domaine de la santé ? C'est un sexisme qui ne dit pas son nom ?

Laurence Bouillet : Les femmes sont de plus en plus présentes dans les services hospitaliers, mais dès qu'on monte dans les instances dirigeantes, elles disparaissent petit à petit. C'est un sexisme qui est minimisé, voire transformé en blague, mais il n'est pas du tout reconnu. Dans les CHU ou pour accéder à certains postes à responsabilité, très peu de femmes sont nommées, alors qu'on doit être 52% de femmes dans les hôpitaux dans toute la France. Les femmes représentent 60% des jeunes qui réussissent à accéder en deuxième année de médecine, mais on ne retrouve que 15% - 20% de professeurs femmes dans les CHU. Et pour les responsables d'unité ou pour les chefs de pôles, on est dans les mêmes pourcentages.

C'est plus marqué dans certaines spécialités ?

Tout à fait, il y a des spécialités considérées comme "plus masculines" : l'anesthésie-réanimation ou encore la chirurgie, où il y a seulement 7% de PU-PH femmes (les professeurs des universités - praticiens hospitaliers). A l'inverse, les femmes sont sur-représentées en pédiatrie, en dermatologie, où les femmes sont parfois présentes à 80%. Mais même dans ces domaines, on retrouve souvent comme chefs de services des hommes !

Quels sont les facteurs qui expliquent cela ? (en dehors du sexisme pur et simple)

Ce sexisme est porté aussi par les femmes elles-mêmes, de façon plus ou moins consciente : elles se mettent dans la position de ne pas prétendre à certaines carrières ou à certains postes. Il y a les problèmes de la vie personnelle, le désir d'enfant, qui est tout à fait justifié et possible, etc. Les femmes, malheureusement, voient souvent la maternité comme un obstacle. Pourtant, nous sommes nombreuses parmi les signataires de cette tribune, à être médecins et mères. Beaucoup de nos jeunes sont dans des schémas très classiques : "Je dois choisir entre la carrière ou les enfants".

Quelles seraient les pistes pour résorber ces problèmes ?

Il est important d'abord de faire un état des lieux et d'identifier les facteurs bloquants. Il faut aussi accompagner nos jeunes femmes, par un système de marrainage. Et puis il faut rendre visible les femmes dans les instances scientifiques : les congrès, les publications, les instances universitaires. Au début de ma carrière, je n'étais pas pour la parité, puisque l'on ne veut pas être nommée parce qu'on est une femme mais parce qu'on a des qualités. Mais malheureusement, plus le temps passe, plus je constate qu'on doit passer par ce stade-là pour permettre à plus de femmes d'accéder à des postes à responsabilité.

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